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Extraots d’un entretien accordé à Oumma.com par le sociologue Ahmed Boubeker co-auteur du livre “Le grand repli” (Ed. La découverte). Il revient sur la “lecture raciale de la société” et le discours relatif à “l’islamisation de la France”.

Certes, les banlieues sont aujourd’hui marquées par des formes de replis imaginaires et des dérives suicidaires dont participe le radicalisme, mais comment la culture française qui rayonne encore à l’échelle mondiale pourrait être menacée par quelques agités du bocal salafiste, ou même par une communauté musulmane de France qui reste dispersée et précaire, sans organisation véritable, sans parti politique ni aucun pouvoir de représentation dans l’espace public… et dans son immense majorité fidèle aux valeurs universalistes de la République ?

A propos de la prétendue « insécurité culturelle » des Français, on peut se demander comment la France serait soudain tombée sous le joug du multiculturalisme ou de l’Islam.

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Comment expliquez-vous la montée en puissance d’une “lecture raciale de la société” et du discours sur “l’islamisation de la France ?”

Au vu de l’actualité et à l’écoute des néo-réacs médiatiques qui ont le quasi monopole de la parole publique, on pourrait effectivement se dire que l’hexagone a subitement été frappé d’une crise de délirium identitaire et xénophobe. […]

Ce déclin de la politique passe par une redéfinition des problèmes sociaux en problèmes sécuritaires, mais cette criminalisation de la misère a ses particularismes locaux. En France, la guerre aux pauvres s’adosse à un ensemble de représentations racialisées construites en grande partie durant la période coloniale. Le discours sur l’islamisation de l’hexagone qui ravive des vieux fantasmes, il faut l’entendre en écho à la géopolitique du « choc des civilisations » selon Samuel Huntington qui a permis à l’Amérique de Bush de redessiner la carte du monde en retraçant des frontières entre « nous » et les « autres ». […]

Vous affirmez que la laïcité est instrumentalisée par certaines élites politiques et intellectuelles pour désigner le “nouvel ennemi intérieur qu’est l’islam ?

Le tracé des frontières entre « nous » et les « autres », c’est aussi celui des nouvelles frontières intérieures de la société française qui ravive la vieille frontière coloniale entre les deux collèges électoraux de l’Algérie française. La religion musulmane était déjà le marqueur de la différence entre citoyens français et FMA (Français Musulmans d’Algérie) appelés auparavant « indigènes ». Elle est encore aujourd’hui ce qui permettrait d’expliquer pourquoi les héritiers de l’immigration postcoloniale ne sont pas des Français comme les autres. Il faudrait donc oublier les discriminations, les logiques de ségrégation urbaine, l’échec des politiques d’intégration ou d’insertion sociale et professionnelle qui sont à l’origine de la déshérence de la jeunesse de nos banlieues. […]

oumma

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