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L’état d’urgence et les mesures sécuritaires exceptionnelles nous protègent-ils efficacement du terrorisme ? Non, selon le philosophe et sociologue Raphaël Liogier, pour lequel nous avons gagné la restriction de nos libertés, sans la sécurité. Il estime que les pouvoirs publics devraient s’appuyer sur les salafistes qui ont une “démarche radicale mais dépolitisée, individualiste et non prosélyte“.

Quant aux milieux salafistes, il faudrait les utiliser dans la lutte contre les jihadistes au lieu de les poursuivre.


Pourquoi les mesures prises jusqu’ici ont-elles échoué, selon vous ?
Le gouvernement, et il n’est pas le seul, met en scène la «guerre des identités» pour donner l’impression aux populations angoissées qu’il fait quelque chose. On l’a vu avec le débat sur la déchéance de la nationalité. Il concentre aussi toutes les mesures sécuritaires – perquisitions, surveillance, assignations à résidence  – sur des mosquées ou des personnes liées à l’islam fondamentaliste.
C’est une solution de facilité, qui diffuse une idée fausse : il y aurait un lien de causalité nécessaire entre la radicalisation religieuse et le jihadisme. Or, nous savons que ces mosquées salafistes et leurs représentants, comme Abou Houdeyfa [l’imam de Brest, dont les prêches connaissent un grand succès sur Facebook et pour lequel «la musique fait naître le mal», sont eux-mêmes dans le viseur de Daech !
Contrairement aux jihadistes, ces fondamentalistes sont focalisés sur la vie quotidienne et les mœurs, ils sont complètement dépolitisés. En concentrant la lutte antiterroriste contre eux, le gouvernement ne vise pas les bonnes personnes ni les bons espaces. La preuve avec les attentats de Bruxelles : selon les premières informations policières, les kamikazes étaient connus pour des faits de grand banditisme, pas pour un parcours de radicalisation religieuse. En résumé : non seulement le gouvernement ne vise pas les bons suspects, mais en faisant de l’islam l’ennemi absolu, il organise le marketing de Daech, vers qui se tournent les désaxés, comme on l’a vu devant un commissariat de Barbès, à Paris, en janvier, les désocialisés ou les membres du banditisme reconvertis. La «guerre des civilisations», c’est exactement la vision du monde que promeut Daech. […]
Le terrorisme n’aurait donc rien à voir avec la religion ?
Je ne dis pas cela. Je ne cherche pas à dédouaner l’islam, ni à faire de l’angélisme. Mais je pense que le jihad n’est plus, aujourd’hui, le résultat d’un processus de radicalisation religieuse progressive qui mènerait du salafisme vers le jihadisme. Les «longues barbes», qui cherchent à ressembler aux Bédouins du VIe siècle, sur lesquels les services de police concentrent leur surveillance, peuvent bien sûr être inquiétants dans leur rapport aux mœurs ou leur communautarisme. Mais ce ne sont pas les prêches qu’ils écoutent qui mènent au terrorisme. […] Libération

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