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Par peur d’être soupçonnés d’islamophobie, d’analyser la spécificité du jihadisme, des chercheurs, parlent «d’Islamisation de la radicalité». Pour Gilles Kepel, professeur des universités, Sciences-Po – Ecole normale supérieure, et Bernard Rougier, professeur des universités, paris-Sorbonne-Nouvelle, cette analyse confortent la doxa médiatico-politicienne dans son ignorance de la réalité sociale et son arrogance intellectuelle.
L’une des premières victimes collatérales des attentats de 2015 est l’université française. Alors que les sciences humaines et sociales sont concernées au premier chef pour fournir les clés d’interprétation du phénomène terroriste d’une ampleur inouïe qui a frappé l’Hexagone, les institutions universitaires sont tétanisées par l’incapacité à penser le jihadisme dans notre pays. […] Cela provient pour une part d’une politique désinvolte de destruction des études sur le monde arabe et musulman […]. Mais cela provient aussi d’un interdit idéologique : entre le marteau de la «radicalisation» et l’enclume de «l’islamophobie», il est devenu très difficile de penser le défi culturel que représente le terrorisme jihadiste, comme une bataille à l’intérieur même de l’islam au moment où celui-ci est confronté à son intégration dans la société française. […]
«Radicalisation» comme «islamophobie» constituent des mots écrans qui obnubilent notre recherche en sciences humaines. Le premier dilue dans la généralité un phénomène dont il interdit de penser la spécificité – fût-ce de manière comparative. Des Brigades rouges et d’Action directe à Daech, de la bande à Baader à la bande à Coulibaly ou Abaaoud, il ne s’agirait que de la même «radicalité», hier, rouge, aujourd’hui, peinturlurée du vert de l’islamisation. Pourquoi étudier le phénomène, apprendre des langues difficiles, mener l’enquête sur le terrain dans les quartiers déshérités où les marqueurs de la salafisation ont tant progressé depuis trente ans, puisqu’on connaît déjà la réponse ? […] Le rapport que vient de publier le président du CNRS sous le titre «Recherches sur les radicalisations» participe de la même démarche. On aurait pu s’attendre, de la part d’une instance scientifique, à une définition minimale des concepts utilisés. Il n’en est rien. Le postulat des «radicalisations» est à la fois le point de départ et d’arrivée d’un catalogue des publications et des chercheurs où la pondération des noms cités montre, sans subtilité, le parti pris idéologique des scripteurs. […] L’objet «islamophobie» complète le dispositif de fermeture de la réflexion, car son objectif vise à mettre en cause la culture «blanche néocoloniale» dans son rapport à l’autre – source d’une prétendue radicalité – sans interroger en retour les usages idéologiques de l’islam. […] Libération

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