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La fachosphère européenne diffuse depuis dix jours une vidéo montrant des migrants censés refuser des colis car la nourriture serait contraire à leur religion. Les images sont authentiques. Le reste est faux.

INTOX. «Ils refusent les colis de nourriture non-halal ? Qu’ils crèvent !» Voilà, sur un des sites de la fachosphère française, le titre qui accompagne une vidéo qui fait le tour du Web de l’extrême droite européenne. La scène est censée se dérouler à la frontière entre la Serbie et la Macédoine. On voit des migrants agglutinés derrière des barbelés. Lorsque des policiers s’approchent, prêts à distribuer des colis de nourriture, deux hommes font mine de les chasser de la main. La foule les hue et ils font demi-tour, penauds, sous les applaudissements. Cette vidéo parue le 22 août 2015 sur un site macédonien a été abondamment relayée depuis, accompagnée d’une explication : les migrants refusent donc la nourriture au prétexte qu’elle n’est pas halal.

Nous avons contacté la Croix-Rouge. Et John Engedal Nissen, un de ses porte-parole, raconte une tout autre histoire.

Les images, tournées le 21 août, proviennent bien de la frontière entre la Serbie et la Macédoine. Les migrants refusent bien les colis qui leur sont proposés. Pourquoi ? Ce jour-là, explique le porte-parole de l’ONG, tout le personnel de la Croix-Rouge est occupé à prodiguer des soins médicaux. Sous la pluie, piétinant dans la boue, les centaines de réfugiés s’impatientent. La police prend alors l’initiative de distribuer de la nourriture. Mais le ressentiment des migrants, épuisés, en colère contre l’interdiction de franchir la frontière, est tel qu’ils tournent le dos à ces colis venant des autorités.

Rien à voir avec le halal. D’ailleurs, les colis distribués ne contenaient que des aliments respectant les interdits alimentaires de l’islam. La Croix-Rouge proposait de l’eau, des biscuits, des boîtes de conserve contenant du poisson, des sachets de thé, du sucre… Comme mentionné dans un document interne qui établit le plan d’action d’urgence de l’ONG en Macédoine à partir de fin juin (voir page 5 du PDF).

Cette version des faits est confirmée par l’auteur de la vidéo lui-même, Predrag Petrovic, journaliste macédonien, rédacteur en chef du site a1on.mk. Cité par le quotidien italien en ligne Il Post, il a ensuite confirmé à Libération la véracité des faits énoncés par le porte-parole de la Croix-Rouge, apportant quelques précisions. Selon lui, la colère des réfugiés était liée au fait que «la police macédonienne n’autorisait toutes les deux heures qu’un groupe de 200 à 300 réfugiés à traverser la frontière».

Sur le site où elle a été initialement publiée le 22 août, la vidéo était déjà accompagnée d’une légende expliquant que les réfugiés refusaient de la nourriture «après avoir passé la nuit sous la pluie sans pouvoir traverser la frontière serbe».

Libération

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