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L’ancien député européen Daniel Cohn-Bendit revient sur la crise grecque. Il estime que les Etats nations doivent lutter contre le retour du souverainisme en s’engageant à plein dans la fédéralisation de l’Union.

Si l’Allemagne et la France lançaient une vraie fédéralisation, y compris en mettant en commun le siège français au Conseil de sécurité des Nations unies, cela créerait une dynamique extraordinaire.

Pour la gauche, l’Europe est une utopie nécessaire car elle permet de dépasser l’Etat nation et cette croyance que c’est lui qui nous protège le mieux. Or les Etats nations ne s’en sortiront pas seuls : dans vingt ans, l’Allemagne ou la France pèseront dans le monde l’équivalent de ce que pèsent Malte ou le Luxembourg en Europe. Vous croyez que Malte a les moyens de défendre un projet de civilisation ?

Pourquoi Aléxis Tsípras a-t-il finalement cédé ?

Les Grecs voulaient le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. A 60 % ils ont rejeté l’austérité, mais à 80 % ils voulaient rester dans la zone euro. Tsípras a dû trancher. En décidant de rester dans l’euro, il était obligé de trouver à n’importe quel prix un accord avec ses partenaires. Il m’a semblé terrifiant que beaucoup trouvent géniale l’idée du référendum grec du 5 juillet parce que c’était prétendument démocratique. Mais si en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, on avait fait un référendum pour savoir si on devait redonner de l’argent aux Grecs, le résultat aurait été négatif, et de façon écrasante. C’est démocratie contre démocratie, et, dans cette affaire, les Grecs sont minoritaires. Il ne devrait y avoir en Europe que des référendums transeuropéens sur les questions européennes, avec une double majorité, celle des Etats et celle des peuples. Tant qu’on ne sortira pas de ce souverainisme démocratique national, on n’y arrivera pas.

Le défi, c’est de faire émerger une souveraineté européenne qui sera la base d’une démocratie fédérale.

L’Allemagne a-t-elle été solidaire de la Grèce ?

La désolidarisation est générale en période de crise. Il y a une Allemagne égoïste, une France égoïste, une Finlande égoïste, etc. Regardez ce qui s’est passé pour la répartition du traitement des demandes d’asile : cela a été un festival d’égoïsmes nationaux. […]

Une solidarité qui profite aux banques, affirme une partie de la gauche française…

C’est du baratin ! Aucune société ne peut vivre sans banques : les banques, c’est le crédit, cela permet aux entreprises, aux agriculteurs, aux ménages de vivre. Pour faire fonctionner une économie de marché, on a besoin d’elles.

N’est-il pas plus facile de changer la France qu’une Europe majoritairement de droite ?

Il n’existe pas de majorité en France pour changer de modèle économique, pas plus que dans les autres pays. Ce n’est pas l’Europe qui est de droite, ce sont les sociétés qui sont de droite. L’alternative à François Hollande, qui est un social-démocrate, c’est Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou Marine Le Pen, pas Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg. Il est aussi difficile de faire changer l’Europe que de changer les politiques des Etats nations. […]

Etre de gauche aujourd’hui, c’est participer à cette construction et lutter contre un retour souverainiste. Le souverainisme est de droite parce qu’il repose sur l’égoïsme national, et l’égoïsme n’est pas une valeur de gauche. Si on veut une répartition plus juste des richesses en Europe, ça ne se fera pas Etat par Etat. Croyez-vous que la France ou l’Allemagne, seules, auraient été capables de voler au secours de la Grèce ? La construction de cet espace politique qui s’appelle l’Europe prendra du temps. Mais il a fallu attendre 1945, avec le vote des femmes, pour que la France devienne un véritable espace démocratique.

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