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Interview de Maxime Tandonnet, haut fonctionnaire et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République.

Nous vivons une crise extrêmement profonde de la politique au sens noble du terme, marquée par l’incapacité générale, collective, à décider, à choisir, prendre ses responsabilités, à se donner un destin, à gouverner en un mot.

Les polémiques et les mots – «quotas», «populiste» – ne parviennent même plus à dissimuler le néant des idées et de l’action, le climat de renoncement et de lâcheté généralisés. Plus personne ne tient le gouvernail.

Selon vous, Nicolas Sarkozy a-t-il changé? A-t-il suffisamment médité les causes de sa défaite ?

[…] Il existe un décalage entre le matraquage médiatique quotidien autour d’un chef de l’Etat supposé détenir tous les pouvoirs et la réalité d’un homme seul et bien loin de l’omnipotence. D’où le triomphe du paraître sur le faire, de l’illusion sur le réel, l’inflation de vanité et de nombrilisme qui gagne l’ensemble de la sphère politique. Accéder ou rester à l’Elysée devient, par effet mimétique, le but suprême de tout politicien national au détriment de la notion de bien commun ou de l’intérêt général. Telle est l’une des causes de notre incapacité à réformer la France et de son décrochage. […]

Accepteriez de travailler de nouveau pour Nicolas Sarkozy ou pour un autre président de la République ?

[…] Cela m’étonnerait énormément… En revanche, j’espère pouvoir, à un niveau modeste mais indépendant, contribuer à la relance des débats d’idées, participer aux projets d’avenir. La mégalomanie d’une partie de la classe politique, surtout concernant des gens qui n’ont aucun mérite particulier, n’ont jamais travaillé ni vécu en dehors de ce milieu, m’inspire une répulsion croissante. Sans doute faut-il dans le monde moderne une dose légère de personnalisation de la politique pour lui donner un visage à un moment donné. Mais aujourd’hui, le culte de la personnalité sous toutes ses formes les plus multiples, du côté du pouvoir ou celui des oppositions, frôle la démesure. A quoi sert-il sinon divertir l’opinion du néant des idées et de l’action ? […]

Croyez-vous toujours que la politique peut changer les choses ?

Elle donne chaque jour le sentiment de s’éloigner du réel et de se réduire à une bataille de communication, de polémiques, et de postures en vue de la conquête ou de la préservation des «fromages» de la République. Pourtant, je n’ai aucun doute qu’elle puisse facilement changer les choses, mais surtout en mal…

[…].

Vous avez été conseiller à l’Elysée sur la question sensible de l’immigration. Quel regard portez-vous sur la crise actuelle des migrants? Celle-ci est-elle sans précédent ?

De vastes mouvements de populations vers l’Europe occidentale se sont déjà produits dans l’histoire moderne, notamment pendant les guerres de la Yougoslavie dans les années 1990. Cependant, à travers la Méditerranée, comme nous le voyons aujourd’hui, je crois que c’est sans précédent. J’y vois surtout une faillite politique, le déchirement entre la classe dirigeante européenne, l’Europe d’en haut, impuissante et comme tétanisée, et les peuples européens qui s’inquiètent profondément comme l’a montré un récent sondage. Cette paralysie de l’Europe d’en haut, rongée par la mauvaise conscience, est le drame de notre époque. Ainsi, il a été question d’une intervention militaire collective européenne contre les passeurs esclavagistes. Bien. Où en est-on? Nulle part. Rien n’a été fait. […]

Les Etats-Nations et démocraties nationales ont été affaiblis sans que rien de solide ne vienne se substituer à eux et sans que n’apparaissent une volonté générale commune des gouvernants européens. […]

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