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03/08

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Pour Zoubir Ghanem, enseignant en Histoire/Géographie, Pernety “n’est pas le Bronx” et reste un “village” calme et agréable.
La nuit du 13 au 14 juillet a vu des incidents inhabituels entre une poignée de jeunes et les forces de police dans le quartier Pernety, dans le 14e arrondissement de Paris.

Je le répète, il ne faut pas minimiser les incidents, un commerce a même été saccagé, cela est absolument inadmissible, mais il ne faut pas non plus installer une psychose. Les riverains n’ont pas besoin qu’on leur fasse peur. Ce dont ils ont besoin, c’est de davantage de sécurité, cela a été promis par le préfet de police.

Dès lors, les médias se sont emparés de l’histoire et ont décrit ce quartier calme, “village” pour beaucoup, comme une zone de non-droit. Tout est dans le sensationnel : les crèches servent de cache à des dealers, le square est un “bureau” avec tout ce qui s’en suit, “intendance”, les guetteurs sont âgés de dix ans, etc.

Il ne manquerait que quelques cadavres pour achever cette description apocalyptique d’un quartier agréable aux yeux de la majorité des habitants. […] Ce quartier a toujours été calme. Çà et là des incidents entre jeunes, oui, mais rien de bien méchant. Une guerre des boutons contemporaine tous les dix ans, tout au plus.

Pourtant, il est vrai que ces dernières années la situation s’est détériorée. Pour quelles raisons ? Tout d’abord, de nouveaux résidents ont rejoint ce quartier. La majorité s’y est bien intégrée. Certains, faisant confiance à la quiétude de leur nouvel environnement, ont laissé leurs enfants grandir dehors, ne se doutant pas que la situation deviendrait si mauvaise pour eux. Rien de bien original donc.

Seulement voilà, une poignée de ces jeunes – et j’insiste bien sur le fait qu’ils ne sont que quelques-uns –, a grandi dans une bulle, pensant sans doute qu’ils vivaient dans je ne sais quel ghetto sorti d’un film hollywoodien. Ce minuscule groupe a commencé à dealer au grand jour. […]

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Dans le quartier tranquille, “familial et plutôt bobo”, de Pernety dans le 14e arrondissement de Paris, les dealers trafiquent en plein square alors que le préfet vient de renforcer la présence policière. Les riverains, eux, vivent dans la peur. Reportage.

On est des ouvrières, nous. On a quand même quelques bijoux, des montres, des colliers. Mais on les met pas. On met plus rien”.

Non, vraiment, “ce n’est plus possible”“. Plus possible qu’ils viennent jusque dans leur parc. Leur parc à elles, celui de ces “mamans devenues mamies”, et qu’elles fréquentent depuis presque 40 ans. Elles parlent à plein torrent, comme une rivière retenue trop longtemps. “”Enfin, pas trop non plus, après on va se faire massacrer”“, glisse l’une d’elle. “”Et puis, vous citez pas nos noms, hein”“. Alors Brigitte (tous les prénoms ont été changés) prend une grande bouchée de son sandwich et souffle du nez avant de balayer des yeux l’herbe cramoisie du square Wyszynski. “”C’était un super parc autrefois”“.

C’est bien simple, depuis l’arrivée des dealers il y a quelques mois dans ce coin tranquille du 14e arrondissement de Paris, sa fille “”est obligée de faire des détours pour rentrer à la maison”“. “”Et la police alors ? ““, lance Renée. “”Bah elle a peur ! ““, répond Josianne. “”Mais non, elle a pas peur, elle est juste débordée. Elle va venir tous les jours maintenant”“. Le nouveau préfet de Paris Michel Cadot l’a promis samedi 25 juillet : plus de caméras et plus de présence policière dans Pernety, ce “village”, dit Josianne. Elle hoche la tête et envoie ses deux pupilles vers la gauche. “”, regardez justement, leur journée commence”“. […]

Ils sont deux, à 16 heures, à tenir “le bureau” installé en léger surplomb au milieu du square, chaises plantées dans le parterre ensablé, coudes vissés sur une table blanche. Autour, il n’y règne pas le genre de silence glacial qui vous prend dans les jambes, mais un chahut rassurant, celui de cris d’enfants jouant à chat en plein après-midi. On n’entend même pas les trains passer dans ce parc qui borde pourtant les voies ferrées de la gare Montparnasse.
Et puis de temps en temps un sifflement, presque le même qu’entonne le chef de gare pour prévenir de l’arrivée d’un train. La mélodie, brève et stridente, est l’oeuvre de ces dealers, signal que ça y est, la marchandise est arrivée. Scène hallucinante au milieu d’un espace vert. […]

Plus rien. C’est ce qui reste à la fleuriste du quartier, Véronique Vallauri, qui trimballe sa stupeur dans les débris de sa boutique, comme une somnambule fait les 100 pas, encore sonnée. Dix jours après, elle n’a “”toujours pas atterri”“. Son commerce, elle l’a perdu un jour de fête nationale. Dans la nuit du 14 au 15 juillet dernier, sa vitrine a été défoncée à coup de mortiers. Les cocktails molotov ont enflammé la paille, puis le reste. […]

En face de son commerce, à 10 mètres à peine, il y a la “fameuse épicerie” comme on dit dans le quartier. Celle qui a été fermée temporairement par la préfecture. “”Depuis deux ans qu’elle là, les trafics de drogue ont pris une autre tournure”“, murmure-t-on. Mais jamais trop fort, non, par petits mots et par petits gestes, ceux qui s’évaporent dans l’air, vite aspirés par cette étrange ambiance d’un quartier “familial et plutôt bobo”, d’après une agence immobilière. “”Les dealers lisent tout, savent tout. Si vous entravez leur commerce, ils s’en prennent à vous”“, lâche-t-on encore, sans jamais accepté d’être cité. La veille, ce riverain avait retrouvé ses pneus crevés.

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