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Qu’est-ce qui fait basculer un jeune adolescent ou adulte vers la radicalité ? Si cette question interroge violemment la société, elle suscite aussi beaucoup d’interrogations chez ceux qui, au quotidien, travaillent auprès de ces jeunes dans les cités: les travailleurs sociaux.

[…] Cette montée en puissance, les travailleurs sociaux l’observent en fait depuis une dizaine d’années. Ils ont d’abord souvent été surpris par le développement de phénomènes très manifestes d’entrée dans un islam radical, fondamentaliste ou intégriste. Des phénomènes survenus en trois temps : le 11 septembre 2001, les émeutes de 2005 et puis 2012, avec l’affaire Merah. Avec, à chaque fois, des propos et des actes dénotant une “radicalité” croissante dans les populations suivies. De marqueurs d’appartenance culturelle souples et malléables, nous sommes en effet passés à une radicalisation cultuelle qui annonçait déjà, chez certains, des formes sévères de radicalisation politique.
[…] Depuis la fin de l’année 2013, date à laquelle un groupe de jeunes filles et de garçons ont décidé de quitter Nice pour le djihad en Syrie, un vent de panique souffle ainsi dans les structures accompagnantes qui connaissent bien les familles, puisque bon nombre des jeunes concernés bénéficiaient de suivis divers…
“Pourquoi n’avons-nous rien vu ? Est-ce un échec incontestable d’institutions à l’origine pensées pour prévenir toutes formes de dérives de populations connues comme fragiles ?” Comme je vous l’ai dit, les départs en Syrie sont d’autant plus traumatisants que ces jeunes étaient pour une grande part connus et suivis par les services sociaux.
Cela signifie que les travailleurs sociaux sont largement passés à côté des phénomènes qui étaient en train de s’implanter dans leurs lieux quotidiens, de manière d’abord insidieuse puis ostensible. Nous sommes ainsi obligés de constater qu’il y a là, de leur part, un difficile, voire impossible, travail de pensée. Ce qui paraît très inquiétant car les travailleurs sociaux sont ceux-là, au plus près des populations, qui peuvent et doivent travailler à reconnaître le phénomène de radicalisation, à l’identifier, le nommer et, le cas échéant, le dénoncer. […] On s’interdit en fait d’en parler, donc d’y penser. On passe sous silence des éléments ressortant clairement de l’idéologie au profit d’éléments psychosociologiques comme la crise d’adolescence, une rupture amoureuse, propice à une recherche spirituelle… On parle de causes socio-économiques qui dessinent un terrain favorable, au même titre que la délinquance : le contexte familial, l’échec scolaire, le sentiment d’exclusion qui s’ensuit, la perte d’emploi ou la difficulté à en trouver un…
[…] A quelques exceptions près, les travailleurs sociaux ont encore tendance à éluder l’aspect idéologique du phénomène, à savoir les signaux manifestes de bascule dans l’islam radical et ils campent, pour la plupart, sur les mêmes positions.
[…] Au lendemain des attentats de Paris, dans la semaine qui a suivi la marche du 11 janvier, nous pouvions nous attendre sinon un élan républicain, au moins à des positionnements tranchés et univoques face à ce qui s’est passé. J’ai été surprise de constater, chez certains travailleurs sociaux, des avis mitigés, des “oui, mais…” qui émergeaient, des commencements d’explication, voire de justification. Le paysage du travail social semblait s’être décomposé, délité. […] C’est encore une psychologue m’appelle, désemparée, pour me raconter qu’un éducateur lui a dit: “Je suis Charlie Coulibaly”. “Je fais quoi?”, me demande-t-elle… […] Source
Merci à Jerem

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