Fdesouche

17 % des 147 professeurs interrogés dans le cadre d’une enquête ont signalé des débats «souvent vifs ou difficiles, avec certains élèves musulmans» en janvier. Témoignages au sujet de ces journées parfois difficiles.

L’association des professeurs d’histoire-géographie (APHG), qui regroupe plusieurs milliers d’entre eux, a enquêté pour vérifier comment se sont déroulées, dans les établissements scolaires, les journées «après-Charlie». Ils sont 147 professeurs à avoir répondu à un questionnaire détaillé. Il s’agit là d’un document passionnant et inédit qui permet d’examiner, au plus près des classes, ces quelques jours qui ont tellement fait couler d’encre.
Les réponses viennent aussi bien de collèges ruraux que de lycées de centre-ville, d’établissements de banlieue aisée ou populaire, de province ou d’Ile-de-France. Les établissements comportent des pourcentages variables d’élèves issus des immigrations récentes. «Nous avons le sentiment d’avoir travaillé sur un échantillon représentatif des diverses Frances», explique l’APGH même si, reconnaît-elle, cet échantillon de 147 collègues n’est pas scientifique.
Au total, 25 professeurs sur 147 – soit 17 % – signalent des débats, parfois sereins, plus souvent vifs ou difficiles, avec certains élèves musulmans. Sila minute de silence a été respectée dans 123 cas, des incidents, souvent peu graves sont signalés dans 11 cas, suivis de rares sanctions d’élèves et convocations de parents. Des débats ont été organisés par l’intégralité de ces 147 enseignants dont la durée a varié d’un quart d’heure à deux heures.
Les réactions des élèves ont été diverses. L’indifférence a été rare. Emotion, choc, incompréhension, besoin d’explications, ces mots reviennent en boucle dans les réponses. De nombreux professeurs ont relevé la gêne des élèves de culture musulmane, dont les réactions, diverses, vont du silence à la crainte de l’amalgame, du complotisme et de la défense de Dieudonné jusqu’à la justification des attentats. Les attentats sont massivement condamnés par eux, mais les caricatures sont généralement considérées comme déplacées….
Théorie du complot dans un collège de quartier sensible, en banlieue parisienne. «La minute de silence, en classe à 11h55, a été laborieusement respectée. Hostilité, remarques variées (“Ils l’ont bien cherché, c’est bien fait, mes parents se sont réjouis…”). (…) Ceux qui se sont exprimés ont clairement manifesté l’idée que c’était, pour les journalistes, une punition méritée. Beaucoup d’élèves ont manifesté une apparente indifférence, disant que l’on ne faisait pas autant d’“histoire” avec les Palestiniens…. Rapidement la théorie du complot est apparue. Grandes difficultés à rationaliser la discussion…. J’avoue que, malgré mon expérience en zone sensible, je ne m’attendais pas à une telle hostilité.»
Des élèves virulents dans un lycée technique de Saint-Etienne. «Problème avec une classe dans laquelle deux élèves ont été particulièrement virulents. L’un a dit que sa “liberté d’expression était de dire que le génocide arménien n’avait pas existé”, une autre qu’“on n’a pas le droit d’insulter le prophète”, et tous deux que “Charlie, ils l’ont bien cherché”… Dans une autre classe, propos troublants: “Pourquoi je devrais rendre hommage à des personnes qui sont mortes alors que pour ma famille ou quelqu’un de normal, rien n’est fait.” Réactions sur “deux poids, deux mesures avec la communauté juive ou catholique et les musulmans”. Je ressens une saturation personnelle. J’attends que la pression baisse un peu… Echec personnel de ne pas avoir réussi à nouer le dialogue avec les élèves les plus opposés ou réactionnaires.»
Émotion dans l’académie de Grenoble. «Quelques élèves étaient submergés par l’émotion, incapables de travailler pendant quarante-huit heures. La faible participation des musulmans de France aux manifestations du 11 janvier a suscité des questions, notamment dans une classe de seconde. Les quelques élèves musulmans de la classe, interrogés par leurs camarades, ont dit: “Nos familles et les musulmans que nous connaissons condamnent sans équivoque les attentats. Mais nous n’avons pas participé aux manifestations, car nous ne pouvons pas dire Je suis Charlie”.»…
Des élèves «endoctrinés» dans ce collège populaire de l’académie de Lille. «Deux incidents ont été signalés. Le premier, dû à un élève qui a sciemment voulu perturber l’instant de recueillement car il ne considérait pas que cette minute était justifiée. Le second, en cinquième, était le fait d’un élève en grande difficulté scolaire qui a vu là l’occasion de se faire remarquer. Les deux ont été exclus de ce moment de recueillement… Certains élèves se sont informés via les réseaux sociaux et les différentes hypothèses mises en avant par des théories du complot m’ont été rapportées dès le lendemain des événements. En classe, certains élèves ont commencé par refuser de participer à la discussion que je proposais, en évoquant le fait qu’“ils l’avaient bien mérité” et qu’avec leur mort le débat était clos….
Des discours très réducteurs dans ce collège de l’académie de Lille. «Beaucoup ont ressenti les attentats comme une agression de ce qui fait la République et ont dit “C’est pas juste”, “ils avaient pas le droit de les tuer”, “on ne tue pas pour des idées, pour des dessins”. Ça ne leur fait pas peur, ça excite plutôt leurs instincts grégaires et sécuritaires, ça les fascine. Discours fréquent très réducteur (les bons ; les Français, et les méchants: les terroristes musulmans, “étrangers”, avec tout le pack de racisme, d’incohérence et de confusions qui va avec: les terroristes sont arabes, ils sont noirs, donc pas français…) Et tant pis s’ls le sont, et tant pis si des victimes ont aussi des origines diverses. Très difficile de les faire avancer dans cet imbroglio bien ancré. Certains restent passifs, ne comprennent pas, ne voient pas le problème, c’est loin tout ça!»
Des élèves musulmans vexés et humiliés. «Ces attentats ont été commis au nom d’une religion qui est majoritairement celle de mes élèves dans cet établissement, et beaucoup ont été vexés, humiliés qu’on puisse ainsi accuser, généraliser et stigmatiser les établissements de banlieue.»Dans un autre établissement défavorisé de la même région lilloise, les élèves éprouvent des difficultés pour réaliser l’horreur et la violence car, pour certains, la retransmission apparaissait comme un reportage, un film comme tant d’autres. ….
Source
Merci à duralexsedlex

Fdesouche sur les réseaux sociaux