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C’est la plus grande leçon à tirer des crises financières que l’économie mondiale a traversées. Les changements des bilans façonnent la performance des économies, le crédit suivant des cycles complets d’optimisme et de pessimisme.

L’économie mondiale est devenue dépendante au crédit. La Chine pourrait bien être la prochaine victime.

Si nous regardons les structures de bilans de l’économie mondiale d’aujourd’hui, quatre questions se posent.

Tout d’abord, comment est déterminée la vulnérabilité ? Deuxièmement, où apparaissent désormais les vulnérabilités ? Troisièmement, comment les pays ont-ils fait face à leur crise précédente?

Enfin, l’économie mondiale peut-elle faire face à ces nouvelles vulnérabilités ?

Commençons par les sources de vulnérabilité. Dans les économies où le secteur financier est libre, l’origine de la catastrophe est beaucoup plus souvent privée que publique. La hausse des prix de l’immobilier et de nombreux prêts élargis entraînent des booms du crédit.

Et en général, une détérioration des bilans du secteur public suit alors les crises. Ne pas reconnaître ce lien entre les excès du secteur privé et l’emprunt public est un aveuglement volontaire.

Dans une mise à jour de son travail sur la dette et le désendettement, McKinsey note qu’entre 2000 et 2007, la dette des ménages rapportée au revenu a augmenté d’un tiers ou plus aux États-Unis, en Grande Bretagne, en Espagne, en Irlande et au Portugal. En effet, d’importantes hausses de crédit dans le secteur privé ont précédé de nombreuses autres crises : le Chili en 1982 illustre parfaitement ce lien.

Ruchir Sharma, de Morgan Stanley, explique que les 30 hausses de crédit les plus explosives ont toutes entraîné un ralentissement économique, et souvent une crise.

Dans le ratio crédit sur produit intérieur brut, c’est la rapidité du changement qui est importante, plus que son niveau ; cela est partiellement dû au fait que certaines économies sont en mesure de gérer plus de dettes que d’autres, en partie parce qu’une hausse des prêts peut être associée à un effondrement soudain des normes de crédit.

Donc, pour trouver de nouvelles vulnérabilités, nous devons chercher des économies qui ont connu une forte hausse de la dette privée.

La Chine est en tête, avec une hausse de 70 % du ratio de la dette des entreprises et des ménages par rapport au PIB entre  2007 et  2014. Si l’on ajoute la dette du secteur financier, la hausse de l’endettement privé brut est de 111 %. Avec la dette du gouvernement, elle monte à 124 %.

L’énorme boom du crédit chinois a plusieurs caractéristiques inquiétantes. Une grande partie de la hausse de la dette est concentrée dans le secteur immobilier ; le “shadow banking” [les emprunts hors institutions financières formelles] représente 30 % de la dette, selon McKinsey. Une partie importante de l’emprunt a été mise hors des bilans des gouvernements locaux et, surtout, la hausse de la dette n’était pas liée à une hausse correspondante de la croissance tendancielle, mais plutôt le contraire.

Cela ne signifie pas que la Chine connaîtra une crise financière ingérable. Au contraire, le gouvernement chinois dispose de tous les outils nécessaires pour contenir une crise.

Cela ne signifie cependant pas non plus que le moteur de la croissance de la demande est sur le point de s’éteindre. Comme l’économie ralentit, de nombreux plans d’investissement devront être réexaminés.

Cela peut commencer par le secteur immobilier. Mais cela ne s’arrête pas là. Dans une économie où l’investissement est proche de 50 % du PIB, le ralentissement de la demande (et donc de la production) pourrait être bien plus grave que prévu.

Considérons maintenant l’état des pays qui ont connu d’énormes crises depuis 2007. McKinsey note qu’aucun n’est complètement désendetté.

Pourtant, les secteurs non financiers privés sont, dans certains cas, désendettés, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne.

Le secteur financier est également essentiellement désendetté aux États-Unis, mais pas en Espagne ni au Royaume-Uni. Toutefois, dans ces cas, la hausse de la dette publique a été plus importante que la baisse de la dette brute privée.

En effet, la dette brute a augmenté par rapport au PIB dans tous les pays à revenu élevé – à l’exception d’Israël – examinés par McKinsey.

Dans de nombreux pays à revenu élevé, même l’endettement privé a continué de croître : le Canada et la France en sont deux exemples.

La substitution de l’emprunt public par des emprunts privés après une crise est logique.  Dans la plupart des cas, le secteur public, un emprunteur pratiquement perpétuel, est beaucoup plus solvable que ceux qui avaient trop emprunté. Néanmoins, une limite à la hausse de la dette publique existe certainement.

En outre, par le passé, les pays qui ont augmenté la dette du secteur public immédiatement après une crise ont ensuite été en mesure de générer de la croissance sans avoir recours à la dette via les exportations. Cette stratégie ne peut pas être généralisée quand une grande partie du monde fait face à un endettement excessif.

Un mix de répression financière, de monétisation, d’inflation et de restructuration de la dette semble maintenant certain dans de nombreux pays.

Plus les économies croissent rapidement, moins plausibles sont ces résultats. Compte tenu de sa démographie et de sa dette élevée, la tâche du Japon est particulièrement difficile.

Néanmoins ceci concerne le long terme. La question la plus immédiate est “que se passera-il si le monde n’a plus d’économies importantes capables ou disposées à faire fonctionner des actifs chers alimentés par des hausses de crédit ?” Une conséquence plausible serait que la croissance économique mondiale sera sensiblement plus lente que ce que beaucoup espèrent.

Une autre conséquence, discutée il y a quelques semaines, serait que les économies qui émergent des répercussions de la bulle de crédit soient entraînées vers d’autres crises : les Etats-Unis et le Royaume-Uni viennent à l’esprit. Ce serait sûrement un résultat lamentable.

Le monde a désespérément besoin de nouvelles façons de gérer son économie, de telles sortes qu’elles soutiennent la demande sans créer des hausses ingérables d’endettement.
Si la Chine est touchée, toutes les grandes économies le seront également.

La dette continuera de s’accroître et de se propager. En l’absence de réformes radicales, l’économie mondiale repose sur des bilans fragiles.

De meilleures solutions sont imaginables. Mais elles ne sont pas prises. En leur absence, nous pouvons nous attendre à des crises.

Le nouvel Economiste

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