Fdesouche

Le salaire minimum est entré en vigueur en Allemagne le 1er janvier. Cette réforme phare du gouvernement d’Angela Merkel est cependant largement contournée, dénonce l’hebdomadaire Die Zeit, laissant les travailleurs pauvres dans leur précarité.

Après dix ans de négociation et un “débat honteusement longdénonçait Der Spiegel, le salaire minimum est enfin arrivé en Allemagne le 1er janvier. La “lanterne rouge de l’Europe” – terme rarement employé pour qualifier le pays d’Angela Merkel et de la première économie du continent – rattrapait enfin son retard.

Mais le tableau que dresse l’hebdomadaire Die Zeit dans sa grande enquête publiée le 5 mars et intitulée : “Tout simplement exploité. Le conte de fée du salaire minimum”, laisse peu de place à l’optimisme.

Si Berlin a officiellement adopté un salaire minimum (8,5 euros brut de l’heure) à compter du 1er janvier 2015, des pans entiers de l’économie allemande ne l’appliquent pas, ou bien, plutôt, le contournent. Au premier rang desquels les secteurs de l’hôtellerie, de l’entretien, de la grande distribution ou du BTP.

Les quatre journalistes qui signent cet article ont interrogé des travailleurs qui, malgré le changement de législation, continuent à être sous-payés.
Il y a ce cuisinier de l’hôtel Adlon, fameux 5 étoiles de Berlin situé à deux pas de la porte de Brandebourg et qui accueille toutes les sommités de passage dans la capitale. Le jeune homme, 30 ans, a finalement quitté son emploi après une accumulation d’heures supplémentaires non payées réduisant son salaire à 6 euros net de l’heure.

Il y a aussi cette femme de chambre, employée par une entreprise de nettoyage, qui doit faire le ménage de neuf suites dans un hôtel en l’espace de six heures. Mission impossible. Salaire réel : environ 6,5 euros de l’heure. Ou bien encore cette employée d’un magasin discount dont le salaire dépasse à peine les 4,5 euros de l’heure si on le réévalue en fonction des heures supplémentaires non rémunérées.

Salaire minimum : un combat mondial

La réalité du marché du travail allemand apparaît sous un jour peu glorieux quand l’enquête pointe également l’importance du travail clandestin outre-Rhin. Selon les statistiques officielles, l’Allemagne compterait 100 000 étrangers parmi les ouvriers du bâtiment. I

ls seraient en réalité le double, selon un responsable syndical cité par Die Zeit, qui évoque de véritables “filières d’immigration clandestine”. Résultat : des travailleurs exploités, ou parfois carrément non payés. Die Zeit raconte par exemple l’histoire d’un Roumain, grassement payé 1 euro de l’heure dans le BTP !

Et puis, il y a cet avocat qui a développé sur Internet, avec quelques collègues, des stratégies pour contourner la loi sur le salaire minimum 2015. Il se défend bien entendu d’inciter les patrons à enfreindre la réglementation, mais il ne se cache pas de privilégier – comme tout bon avocat – l’intérêt de ses mandants, à savoir les chefs d’entreprise.

Die Zeit tire ainsi un bilan peu réjouissant de l’introduction du salaire minimum dans une Allemagne où les salariés les plus précaires sont maintenus dans leur précarité. Il y a encore fort à faire, dit en substance l’hebdomadaire, avant que le salaire minimum “devienne réalité”.

Courrier International

Fdesouche sur les réseaux sociaux