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La Chine est probablement encore le meilleur foyer de croissance mondiale. Même si l’économie ralentit, la croissance y est encore de 7 % par an. Dans le même temps, les grandes banques chinoises devancent leurs concurrents mondiaux. ICBC (Industrial and Commercial Bank of China) a maintenant trois trillions de dollars d’actifs. Et en termes de valeur de marché, ICBC et trois autres banques chinoise figurent parmi les dix premières mondiales.

Et pourtant, ces banques en expansion rapide se voient accorder un traitement spécial de la part des régulateurs internationaux, en étant exemptées des limitations sur les fonds propres auxquelles sont soumises leurs rivales occidentales “too big to fail”.

L’exonération aux nouvelles règles sur la “capacité d’absorption des pertes totales” (‘‘Total loss-absorbing capacity’’ TLAC) a été accordée après le lobbying des hommes politiques et des financiers asiatiques aussi bien qu’occidentaux. Tout le monde semble vouloir éviter toutes les mesures de contraintes aux banques chinoises, craignant les conséquences pour la croissance chinoise, et donc mondiale.

Les règles de la TLAC qui définissent combien de fonds propres, d’obligations et de capacité d’absorption des pertes les banques systémiques doivent détenir, semblent extrêmement technocratiques. Mais elles sont au cœur de la réponse réglementaire post-crise. Ne pas les appliquer à la Chine, dont les banques représentent 10 % des banques systémiques mondiales (G-SIBS), selon les régulateurs, est une erreur. Cela fausse la compétition et exonère cette partie du monde où se situent les plus grands risques pour la stabilité financière.

Examinons certains éléments pour s’en convaincre.

Tout d’abord, la dette excessive de la Chine s’accroît rapidement.

La dette totale de la Chine a presque quadruplé depuis 2007 et représente 282 % du PIB, selon des données récentes de McKinsey.

Certains investisseurs ont décidé de prendre leurs bénéfices avant que tout ne tourne mal. BBVA, la banque espagnole, a accéléré son départ du pays. Le mois dernier, elle a cédé la participation de 1,5 milliard d’euros qu’elle détenait dans la China Citic Bank Corp, profitant des cours élevés.

Puis, comme les banques locales commencent à viser des acquisitions ciblées, le secteur des services financiers chinois est de plus en plus lié au monde occidental. ICBC a finalisé au courant du mois la prise de contrôle de la branche britannique de la Standard Bank sud-africaine par l’acquisition d’une participation de 690 millions de dollars. Ainsi, une banque chinoise a maintenant pour la première fois une enseigne commerciale importante à Londres.

ICBC a également acquis le contrôle de la branche argentine de Standard Bank, ainsi que les activités nord-américaines de Bank of East Asia.

En décembre, le courtier Haitong Securities a acquis au Portugal la filière de la banque d’investissement en faillite Banco Espírito Santo, pour un montant de 379 millions d’euros.

Les décideurs politiques occidentaux, séduits par la promesse de ‘puiser‘ dans la croissance chinoise, facilitent également les choses aux banques chinoises à l’étranger. Le mois dernier, China Construction Bank (CCB) est devenue le deuxième prêteur chinois en quatre mois à se voir attribuer une licence de succursale au Royaume-Uni. CCB et ICBC n’ont plus besoin de maintenir des niveaux de capitaux et de liquidités réglementaires pour les filiales, mais peuvent étendre leurs activités britanniques grâce à des capitaux à Pékin.

Le marché ignore les dangers.

La valeur combinée d’ICBC, de CCB, de l’Agricultural Bank of China et de la Bank of China est maintenant équivalente à celle des quatre grandes banques américaines.

Pourtant, les risques de crédit augmentent et l’économie ralentit, ce qui pourrait atteindre à la fois les grandes banques et les petits établissements.

Les quatre structures de défaisance (Ndlr “bad banks”) étatiques sont probablement les plus risquées, elles ont été établies ces dernières années pour absorber les plus mauvais prêts des grands prêteurs, elles devraient faire les frais de ces répercussions. C’est une des parties les plus troubles de secteur financier chinois, peu transparent sur les portefeuilles et les obligations, mais qui toutefois attire les investisseurs.

L’automne dernier, l’une des quatre , Huarong, est intervenue de manière inattendue pour renflouer un produit d’investissement à haut rendement, appelé “Credit Equals Gold #1”.

Huarong qui, l’an dernier, a sécurisé ses investissements auprès de Goldman Sachs et Warburg Pincus, devrait aller en bourse d’ici l’été. Cinda, une autre “bad bak” cotée en 2013, a perdu un quart de sa valeur l’an dernier.

Dans cet environnement imprévisible pour un secteur financier aussi important, les mesures “TLAC” qui se préparent pour les plus grandes banques mondiales seraient rassurantes si seulement la Chine n’en avait pas été exemptée. La justification semi-officielle est que ses marchés ne sont pas suffisamment développés pour absorber l’émission de nouvelles dettes. Mais le marché obligataire de Hong Kong est important, et les quatre grandes banques chinoises pourraient également exploiter les marchés étrangers et s’implanter plus sainement dans le système financier mondial.

Le nouvel Economiste

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