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Le gouverneur de Californie Jerry Brown va-t-il se montrer à la hauteur de ses prétentions à diriger l’Etat le plus « vert » de l’Union américaine ? Un mois après avoir fixé des objectifs ambitieux lors de la cérémonie d’investiture pour son second mandat, il est sous le feu des critiques non seulement des écologistes pour son refus d’interdire la fracturation hydraulique – seule technique d’exploitation du gaz de schiste – mais aussi de l’agence fédérale de l’environnement (EPA) pour avoir autorisé les compagnies pétrolières à rejeter des eaux contaminées dans les nappes phréatiques de Californie.

Samedi 7 février, une manifestation de près de 10 000 personnes, baptisée « Marche pour un vrai leadership sur le climat », est venue réclamer dans le fief même du gouverneur, à Oakland, l’interdiction de la fracturation hydraulique dans l’Etat, le troisième producteur de gaz et de pétrole du pays. C’était la manifestation la plus importante jamais enregistrée aux Etats-Unis contre la fracturation.

Réforme « trop longuement différée »

Une semaine plus tôt, une enquête du San Francisco Chronicle accusait l’administration de Californie d’avoir laissé depuis des années les compagnies pétrolières rejeter les eaux usées de fracturation qui peuvent contenir de l’arsenic, du plomb ou encore du benzène dans des puits d’injection creusés dans des aquifères d’eau potable au risque de polluer la nappe phréatique. Or, les agriculteurs de la Vallée centrale, confrontée à une sécheresse record, puisent 90 % de leurs ressources en eau dans le sous-sol.

Selon l’agence Associated Press, qui a passé en revue les documents, les régulateurs de l’Etat ont autorisé – à 2 553 reprises – le rejet dans le sous-sol d’eaux usées résultant de la fracturation. Une partie des permis ont été émis avant l’arrivée au pouvoir de Jerry Brown, mais près de la moitié (46 %) pendant son premier mandat (2010-2014). Cela, alors que l’EPA l’avait mis en garde dès 2011 sur le fait que les ressources aquifères étaient insuffisamment protégées contre la pollution émanant des activités pétrolières.

La division de réglementation du pétrole, du gaz et des ressources géothermiques a plaidé la désorganisation et une mauvaise cartographie des zones protégées en vertu de la loi de 1974 (Safe Drinking Water Act). Lundi 9 février, son responsable, Steve Bohlen, a annoncé une réforme « trop longuement différée » du processus d’autorisations. Immédiatement, 140 puits de rejets, trop proches des aquifères, ont été fermés.

L’EPA a donné deux ans à l’Etat pour mettre fin aux pratiques interdites. Les écologistes réclament, eux, la fermeture immédiate des puits dans les zones les plus affectées par la sécheresse, qui se trouvent être aussi l’épicentre de la fracturation.

« Alors que tant de Californiens sont dépourvus d’accès à une eau pure et saine, il est scandaleux de laisser la contamination par des eaux industrielles continuer », a protesté le Center for Biological Diversity, une association qui a intenté un procès à l’Etat en janvier 2013 pour une supervision inadéquate des forages.

300 puits ouverts chaque mois

Un cinquième de la production d’énergie fossile californienne vient de la fracturation hydraulique. Depuis dix ans, chaque mois, l’Etat enregistre l’ouverture de 300 nouveaux puits. « L’expansion du pétrole et du gaz menace les progrès susceptibles d’être accomplis sur le climat », déplore Kassie Siegal, la juriste du Center for Biological Diversity. Deux comtés californiens ont déjà interdit la fracturation en invoquant les risques pour la santé publique et l’environnement.

Dans son discours d’investiture début janvier, Jerry Brown a fixé comme objectif de porter à 50 % la proportion d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie en Californie avant 2030. Lui qui était intervenu au sommet de l’ONU en septembre 2014 pour vanter l’exemple californien, et qui compte se rendre au sommet de Paris fin 2015, soutient qu’aucune preuve n’a été apportée des dangers du « fracking »pour la Californie et que les réglementations édictées sont les plus strictes des Etats-Unis.

Contrairement à son homologue de New York, Jerry Brown est sur la ligne de Barack Obama : toutes les ressources naturelles doivent être exploitées, y compris les énergies fossiles. A chaque fois qu’il est interpellé, il renvoie les consommateurs-pollueurs à leurs responsabilités : « Tant que les Californiens effectueront 520 milliards de kilomètres chaque année dans leurs voitures et consommeront 53 milliards de litres d’essence, nous aurons besoin d’un dispositif qui inclut toutes les énergies, notait-il à la veille de la manifestation d’Oakland. Et je n’entends personne proposer de moratoire sur la conduite automobile. »

Le Monde

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