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Plusieurs habitants l’ont remarqué, à Creil, surpris quand cet homme, tiré à quatre épingles, leur a demandé de l’aide dans la rue. « Cela peut arriver à tout le monde », lâche-t-il. Il n’aurait jamais imaginé que ça tomberait sur lui. Alors, il veut expliquer. Après avoir passé deux mois dehors, Christophe, 48 ans, raconte comment, alors qu’il avait tout, il s’est retrouvé à faire la manche en centre-ville.

Il a connu une autre vie « avant ». « En 1986, j’ai 20 ans, j’obtiens mon BTS action commerciale au lycée Jules-Uhry de Creil. A peine un mois plus tard, je suis embauché chez Nestlé, au sein de sa filiale Davifrais/Davigel, comme commercial à Saint-Brice-sous-Forêt (Val-d’Oise). Très vite, je gagne bien ma vie… Au bout de 5 ans, je deviens cadre commercial et au bout de 13, le groupe me propose un poste d’inspecteur commercial à Nantes. Mais je n’arrive pas à convaincre ma famille de déménager, je dois dire non. » Le point de bascule.
« Après ce refus, j’ai peur d’être un peu bloqué dans ma carrière. Mais au même moment, une autre boite, DLG Loiseau-Regnault à Orly (Val-de-Marne), tente de me débaucher… Je leur dis oui. A l’époque, c’est le spécialiste des viandes cuites sous vide, toutes les restaurations collectives en veulent, la société est en plein boom. »
Trois ans plus tard, il sera licencié économique. « Mon mariage explose après 19 ans de vie commune et 3 enfants. » Cela aussi, « ça peut arriver à tout le monde… Et je pense me relever, j’ai toujours réussi dans la vie, j’ai 35 ans et de l’argent. Je me donne 3 mois pour retrouver un job mais ça ne marche pas, mes entretiens se passent mal, je dois revoir mes exigences à la baisse. »
Christophe répart à zéro : simple commercial, avec un petit smic à la clé. Il commence à s’endetter. « Mais la claque fatale, ce sera en 2005 lorsque je perds mon permis et donc, mon boulot. » Les années qui vont suivre, il est prêt à tout pour qu’un salaire tombe à la fin du mois : serveur chez Courtepaille, vendeur chez Monoprix… « Je le vis plutôt bien », dit-il.
Sauf sa dernière expérience. « J’ai fini par accepter un boulot de barman au black l’année dernière à la gare du Nord. A la fin, je n’ai pas eu droit au chômage… Je commençais vers 5 heures. Comme il n’y a pas de train entre Creil et Paris si tôt, je payais des nuits d’hôtel. » Les dettes s’accumulent, il perd son logement. Un soir, fin septembre, « je me suis retrouvé sans un sou et sans savoir où dormir.

Il y avait des dizaines de personnes qui auraient pu m’aider mais je n’ai pas pu, j’ai eu trop honte, j’ai dormi dans une cage d’escalier près de la gare de Creil. »

Presque deux mois en « SDF ».
« Je me réveillais à l’aube pour rejoindre les locaux des Compagnons du Marais où il est possible de laver ses affaires et se changer. Je voulais à tout prix rester propre. La journée, j’ai beaucoup marché, décrit-il. On ne meurt pas de faim dans la rue, surtout ici, les gens sont généreux. Sur le Plateau, les commerçants donnent de bon coeur un café gratuitement, le Samu social passe le soir pour distribuer à manger. Mais, on est seul… »
Il a perdu 20 kg et garde des blessures, notamment aux pieds, des traumatismes, « lorsque tu tends la main et qu’on te dit dégage, sans te regarder, qu’on ne veut surtout pas te regarder ! » Après deux mois, « j’ai fini par retrouver des missions en intérim, notamment à la mise en rayon chez Auchan à Nogent-sur-Oise et surtout, un logement social. Je dois encore faire la manche… »
Le Parisien

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