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Tribune de Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au CNRS, éditeur intitulée “Au-delà de l’émotion du 11 janvier”.

Ces arrivants sont des passeurs de monde, destructeurs si nous les refusons, porteurs d’avenir si nous savons penser ensemble notre projet pour le XXIe siècle. Au niveau local comme au niveau global.

Il y a dans l’Union autant de musulmans que de Belges… Nous sommes devenus une grande puissance musulmane.

Rien n’autorise à tuer pour des idées. Ni convictions politiques, ni religions, ni désaccords privés. Et le rôle des gouvernements de France et d’Europe est de garantir le droit et la réalité de cette conviction qui nous a rassemblés le 11 janvier. C’est même l’originalité absolue de l’Europe. Sa puissance première, son carburant moral.
Mais le Marseillais que je suis, élevé en bordure de deux mondes, conseiller municipal de cette ville durant quelques années, ne peut cacher son trouble. Je sais dans ma ville, et à son sud, l’immense sentiment d’être des victimes de l’Occident qui secoue un monde arabo-musulman en guerre – civile, religieuse, politique, économique…

Je sais, dans nos banlieues, la réalité d’une vie séparée, sans confiance dans l’école, sans vacances, avec si peu de vie privée, de sécurité, d’emploi – des vies sans rêve. Je sais surtout l’impuissance du politique à faire désirer l’avenir. Je sais aussi, car j’ai été jeune en 68, le besoin puissant de croire et d’agir pour devenir. Parfois à n’importe quoi et avec n’importe qui.

Pour moi, le jihad est une utopie mobilisatrice, certes manipulée, certes instrumentalisée. Mais en 68 que n’avons-nous dit, et cru, sans même parler de ceux qui sont allés tuer Georges Besse, Aldo Moro, ou de la Bande à Bader !

Et ici, au-delà du renseignement, de la police, des armées, de la volonté et de la liberté, il faut répondre à une question importante : celle de la place des populations qui montent des Suds. La France et l’Europe se métissent. Il y a dans l’Union autant de musulmans que de Belges… Nous sommes devenus une grande puissance musulmane. Et ces migrants du Sud, musulmans ou non, Arabes ou non, doivent être vus comme les porteurs demain de la chance pour l’Europe d’être un acteur majeur du développement du Moyen-Orient et de l’Afrique. Le Sud est notre chance pour nous développer tout en favorisant le développement de l’Afrique et en limitant les migrations de pauvres. […] Libération

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