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[Extraits d’un long article à lire sur le nouvel obs]

“Samedi 10 janvier, à Lille, la mécanique des foules s’est quelque peu déréglée. D’un côté, les circumambulations de la population nordiste unie dans sa grande diversité pour profiter des soldes d’hiver.

De l’autre, entre la porte de Paris et la place de la République, la procession rangée de 40.000 manifestants d’une saisissante homogénéité : blancs, venus en famille, lookés avec la même négligence soignée.

Samedi 10 janvier, à Lille, disons le sans fard : la population musulmane n’a pas su ou n’a pas voulu se mobiliser derrière la grande bannière noire “Je suis Charlie” du Club de la Presse Nord-Pas-de-Calais. Ou alors si peu. En l’espace d’un long quart d’heure, posté à mi-parcours du défilé, on aura vu passer une poignée de quinquagénaires brandissant des pancartes “pas en mon nom”, et une petite famille – monsieur tiré à quatre épingles, madame en tchador, fillette trottinant à leurs côtés – magnifique par son aplomb mais si isolée dans sa singularité.

Le matin-même, à trois pas de là, Guillaume Delbar, le jeune maire UMP de Roubaix, nous avait pourtant assuré que les 95.000 habitants de sa ville – et sa très vaste population musulmane, la plus grande de l’agglomération – vivait le deuil national à l’unisson. 1.000 personnes s’étaient réunies sur la Grand Place la veille au soir. Un événement syncrétique donnant à la fois la parole à l’édile, au rédacteur en chef de la “Voix du Nord” et au président du collectif des mosquées roubaisiennes.

Les jeunes avaient brillé par leur absence. Guillaume Delbar n’y voyait pas motif d’inquiétude.

Je suis bien conscient que la mobilisation autour de ‘Charlie’ peut poser question. Mais moi, ce que je retiens, c’est la spontanéité des sentiments exprimés, et comme disait le Général de Gaulle ‘je vais vers l’Orient compliqué avec des idées simples'”….

Leila, Chams, Badreddine et Ismaël ont beau se sentir citoyens français “à part entière”, les appels répétés à l’union nationale les plongent dans des abîmes de questionnements. Il y a le problème du mot d’ordre, ce “Je suis Charlie” scandé par les manifestants, mais “intenable pour un musulman”. Et quelque chose de plus profond, de plus handicapant, qui a trait à la hantise de l’amalgame. Ismaël : “Si j’allais manifester, les gens pourraient croire que je me sens forcé d’être là. On ne sait plus quoi faire, parce qu’on ne sait plus ce que les gens pensent”. Leila :

Les tueurs auraient été autre chose que des djihadistes, ça aurait été plus simple. On n’aurait pas eu à se désolidariser des actions de solidarité pour ne pas avoir l’impression de se justifier”.

Ces circonvolutions naissent aussi d’un drôle de climat, fait de peur, de méfiance, voire de paranoïa. C’est “la petite dame de la supérette” qui se met à chuchoter quand Leila arrive à la caisse. C’est un ami de Chams, analyste financier et pieux musulman, qui se sent subitement épié par ses collègues de travail. Ce sont les SMS alarmistes qui se propagent annonçant des attaques de skinheads aux entrées des mosquées. Ou les pages Facebook de militants lepénistes que l’on s’échange avec fébrilité. C’est aussi le principal du collège Pascal, catholique mais fréquenté par une majorité d’enfants de confession musulmane, qui, jeudi, après la minute de silence demandée par le gouvernement, a préféré ne pas épiloguer.

Ici, on marche sur des œufs. Je ne connais pas la position des parents, et, si vous ouvrez le débat, les opinions les plus extrêmes, d’un côté comme de l’autre, risquent d’être les premières à s’exprimer”….

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Merci à evans

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