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Peter Praet, chef économiste de la Banque centrale européenne explique dans un entretien au Börsen-Zeitung, qu’il ne faut pas être « paralysé » à l’idée du rachat d’obligations souveraines. Il alerte aussi contre la montée du populisme dans la zone euro.

Peter Praet, chef économiste de la Banque centrale européenne

Fin janvier ou début mars ? Pour les marchés financiers, pas trop de doute, la Banque centrale européenne devrait se lancer en début d’année dans un « QE » (quantitative easing), un vaste plan de rachat d’actifs, suivant ainsi les traces de la Fed américaine et de la Banque du Japon. Sous quelle forme ? C’est encore assez flou, mais l’option d’un rachat de dettes souveraines prend de plus en plus d’ampleur.

La BCE continue de préparer le terrain pour de nouvelles mesures non conventionnelles. Peter Praet, son chef économiste a reconnu dans un entretien au journal allemand Börsen Zeitung que les dernières mesures monétaires prises (achat d’actifs titrisés, prêts préférentiels aux banques…) pourraient ne pas suffire, d’autant que la chute des prix du pétrole risque d’entraîner l’inflation en territoire négatif « pendant une bonne partie de 2015 ». Et le conseil des gouverneurs de la BCE « ne peut simplement se contenter de le constater ». Il rappelle en effet que les anticipations d’inflation sont « extrêmement fragiles et que les effets indirects sont plus importants qu’en temps normal». La baisse des cours du pétrole se fait déjà sentir, comme en Espagne où les prix à la consommation ont reculé de 1,1 % au mois de décembre, la plus forte baisse depuis juillet 2009. La baisse des prix du pétrole qui gomme en grande partie l’intérêt « inflationniste » de la hausse du dollar. L’euro reste proche de ses plus bas depuis août 2012 à 1,2150 dollar.

L’option du rachat de dettes souveraines

Alors que le principal taux directeur de la BCE est proche de 0 et que son taux de dépôt est en territoire négatif , la marge de manœuvre de l’institution se réduit.

« Si mon analyse est qu’il y a besoin d’une nouveau soutien monétaire, et si je suis disposé à réduire les taux mais que cela n’est plus possible, alors je ne dois pas être paralysé à l’idée que la seule option qui reste est l’achat d’obligations souveraines », a expliqué Peter Praet, avant d’ajouter que « les emprunts d’Etat sont les seuls actifs bénéficiant d’un volume de marché significatif ».

Le résultat mitigé des prêts TLTRO aux banques (seulement 130 milliards alloués en décembre sur 300 disponible) montre aussi la difficulté de la BCE à augmenter son bilan pour soutenir la croissance en Europe. Un autre chiffre va sans doute infléchir un peu plus la position de la BCE : les crédits octroyés aux ménages et aux entreprises de la zone euro ont reculé de 0,9 % au mois de novembre. Pire, les pays périphériques sont les plus touchés avec une chute de 11,4 % en Irlande, de 8,5 % en Espagne, de 6,5 % au Portugal et de 3,2 % en Grèce. Signe que le transfert de la politique accommodante de la BCE à destination de l’économie réelle est loin d’être optimum. Une bonne nouvelle tout de même sur le front de l’inflation, la croissance de la masse monétaire M3 (indicateur avancé de la hausse des prix) s’est accélérée en novembre : +3,1 % après +2,5 % en octobre. Une croissance supérieure aux attentes des analystes.

Mise en garde contre le populisme

Par ailleurs, dans l’entretien accordé au journal allemand, le belge Peter Praet s’est montré préoccupé par la perspective d’élections législatives anticipées en Grèce. Alors que le parti anti-austérité Syriza est le grand favori des sondages, le chef économiste de la BCE a lancé un avertissement :

« la montée du populisme devrait être un signal d’alarme. Les gouvernements doivent donner la priorité aux décisions politiques difficiles et mener à terme les réformes si nécessaires ».

Un avertissement qui vaut pour les autres pays de la zone, dont la France, alors que la BCE a prévenu à plusieurs reprises qu’elle ne pouvait pas tout faire seule face aux risques de déflation et de déséquilibre qui pèsent sur la région. A moins d’un mois des élections législatives en Grèce, il met aussi les électeurs, tenté par un « Grexit » face à leurs responsabilités : « Les partis populistes dans certains pays promettent des solutions rapides, mais ils n’offrent que des recettes désastreuses », en rappelant que « tous les pays ont eu leur raison pour entrer dans la zone euro: le vieux système de dévaluation permanente ne fonctionnait pas. Ce qui est désormais requis, c’est de mener les ajustements structurels nécessaires. Une politique de dévaluation ne résout aucun problème structurel ». L’année 2015 sera notamment marquée par la tenue d’élections générales en Espagne (les députés qui éliront le prochain chef du gouvernement),qui pourrait voir la montée en puissance du parti de gauche radicale Podemos.
Des taux d’intérêt au plus bas

Enfin, Peter Praet a adressé ses encouragements à la France et à l’Italie, dont la frilosité sur le chemin des réformes a pu provoquer l’impatience sinon l’agacement de leurs partenaires. « En France, le gouvernement prend pour la première fois de vrais risques politiques pour améliorer le marché du travail. En Italie, il y a également des progrès significatifs, au moins dans les intentions. (…) Mais ce qui est important désormais, c’est la mise en oeuvre des réformes ».

En attendant, les pays de la zone euro, qui s’apprêtent encore à lever plus de 900 milliards de dollars en 2015 sur les marchés obligataires, devraient encore bénéficier de conditions exceptionnelles pour financer leurs déficits ou pour allonger la maturité de leur endettement. Les rendements des emprunts d’Etat n’ont jamais été aussi bas. Le taux à 10 ans français est tombé sous les 0,80 % mercredi, alors que le Bund allemand est à 0,537, le taux italien à 1,831 % et le taux espagnol à 1,537 %.

Les Echos

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