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L’eau de boisson peut être vecteur de pathologies. Sa purification vis-à-vis des organismes pathogènes n’en fait pas pour autant une boisson pure. Ainsi, l’eau, puisée dans les nappes phréatiques ou les cours d’eau, s’enrichie naturellement en arsenic, un enrichissement qui peut être accentué par des pollutions industrielles. Si l’arsenic est un cancérigène reconnu, il peut également être responsable de pathologies cardiovasculaires, et pour des dosages bien plus faibles qu’auparavant considérés. Consommer une eau riche en arsenic n’augmente donc pas que le risque de décès par cancers mais aussi le risque de décès cardiovasculaire.

Au Bangladesh, l’eau est partout. Dans ce pays grand comme un cinquième de la France mais peuplé de 160 millions d’habitants, les terres ont pris le nom des rivières qui les cernent de toute part. Et pour des raisons tenant essentiellement à la géologie, cette eau est très riche en arsenic, à des taux pouvant dépasser très largement les normes usitées dans les pays occidentaux. Une étude épidémiologique a ainsi pu relever au Bangladesh une contamination de l’eau par l’arsenic allant de 0.1 μg/L à 864 μg/L, alors que la norme officielle du pays est de 50 μg/L. Il est estimé que près de 60 millions d’habitants de ce pays sont exposés quotidiennement à une eau dont la teneur en arsenic dépasse les normes de l’OMS qui sont de 10 μg/L depuis 1993.

Une étude américaine récemment publiée vient rappeler les risques cardiovasculaires liés à la consommation d’une eau polluée par l’arsenic y compris par des teneurs pouvant être jugées faibles ou dans les normes de l’OMS.

Le risque lié à l’arsenic dans les eaux de boisson a été étudié dans différentes régions du Monde comme Taiwan, le Chili, la France où certains territoires américains comme celui où vivent des tribus Indiennes du Dakota.

Le sénat Français avait en 1997, dans un rapport sur la qualité de l’eau, rappelé quelques résultats nationaux : au sein de 13 départements, 54 unités de distribution avaient des teneurs en arsenic supérieures à 10 ug/l, une inoxication quotidienne qui touchait directement 200.000 personnes et produisait un excès de risque de décès par cancer estimé à 30 décès par an (l’arsenic accroit les risques de cancer des poumons, de la prostate et du pancréas).

Et sur quatre départements (Vosges, Puy de Dôme, Hautes Pyrénées et Moselle), 13 unités de distribution d’eau avaient des teneurs en arsenic supérieures à 50 ug/l, une teneur relevant d’une situation d’urgence où il est déconseillé de consommer l’eau du robinet. La population concernée était de 17 000 personnes.

Le record était atteint par une station du Puy-de-Dôme où la teneur d’arsenic a été relevée à 190 ug/l. Le Sénat rappelait que la réglementation sur l’eau potable ne s’applique pas aux eaux minérales et que certaines d’entre elles sont extrêmement chargées en arsenic. Ainsi sur 74 eaux minérales analysées en 1995 par le réseau national de santé publique, 24 présentaient des teneurs en arsenic supérieures à 10 ug/l, 4 dépassaient 50 ug/l, et 2 dépassaient 100 ug/l.

Une étude plus récente estimait que plus de 3 millions de français (5.8% de la population) étaient exposés à une qualité d’eau non conforme aux standards de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Et si aucune évaluation n’est venu affirmer une amélioration de la situation, il apparaît surtout que le risque cardiovasculaire lié à l’arsenic n’a jamais été évalué dans notre pays, malgré ces millions de personnes exposées.

C’est une étude épidémiologique américaine, la Strong Heart Survey qui a permis d’affirmer le lien déjà suspecté entre arsenic et décès cardiovasculaire. Cette étude a suivit plus de 4000 personnes pendant plus de 20 ans, évaluant leurs modes de vie, leurs habitudes alimentaires et bien sur les causes de mortalité au cours de ces années. Les concentrations d’arsenic auxquelles étaient exposés les participants étaient mesurées par des dosages urinaires (mesurée en microgrammes par gramme de créatinine).

Les résultats montrent que plus le l’intoxication par l’arsenic était élevé, plus le risque d’arthérosclérose, d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral sont élevés.

Au cours de l’étude, 1184 participants ont développé une pathologie cardiovasculaire fatale ou non, dont 846 une maladie coronaire et 264 des accidents vasculaires cérébraux :  341 sont décédés de leur maladie coronaire, et 54 de leur accident vasculaire cérébral. Après ajustement, les analyses démontraient une augmentation de 65% du risque de décès cardiovasculaire pour les plus intoxiqués ((>15.7 µg/g creatinine ) par rapport aux moins intoxiqués (<5.8 µg/g creatinine), une augmentation de 71% du risque de décès d’origine coronaire et de 303% du risque d’accident vasculaire cérébral.

Les études biologoques ont déjà montré comment l’arsenic stimule une cascade inflammatoire au niveau cellulaire, provoque des lésions des petits vaisseaux et favorisant les dépôts d’atherosclérose. En plus, l’arsenic est capable de se fixer à certain récepteurs des cellules adipeuses, altérant leur métabolisme et interrompant le catabolisme normal des acides gras.

Et ces effets apparaissent dès une intoxication très faible à l’arsenic comme l’a montré le Pr Yu Chen évaluant les conséquences de l’intoxication de l’eau par l’arsenic au Bangladesh ; ayant suivi 20 000 habitants les scientifiques démontraient que la consommation d’une eau contenant plus de 12.0 μg/L d’arsenic (soit légèrement supérieure à la norme OMS), augmente significativement le risque de décès cardiovasculaire. Ils estimaient que 28% des décès cardio-vasculaires au cours de l’étude étaient liés à l’arsenic de l’eau de boisson.

Ce taux de mortalité était d’autant plus important que l’intoxication commençait tôt dans la vie. L’arsenic peut également accroitre la mortalité cardiovasculaire en favorisant la survenue de troubles du rythme cardiaque. Et lorsqu’en plus un participant fumait,  l’effet de l’arsenic était décuplé : tabac et arsenic forment un couple hautement nocif et mortel. Les troubles engendrés par l’arsenic semble également favoriser le risque de diabète.

Bien que réel, il apparait donc que le risque cardiaque lié à l’arsenic est aujourd’hui totalement négligé. Et pourtant l’exposition humaine à l’arsenic ne fait que croitre du fait par exemple de la pollution athmosphérique : les rejets du trafic automobile sont riches en métaux lourds, en cadmium, en plomb et bien sur en arsenic. Il est donc important que les cardiologues et les instituts de prévention intègrent l’arsenic comme un facteur de risque de la survenue de maladies cardiovasculaires, d’autant plus dans certaines régions où le risque de contamination de l’eau est déjà avéré.

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