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Depuis le début de l’année, médias et économistes répètent à l’envi que l’économie espagnole est repartie, que la page “bulle immobilière” se tourne enfin. Un doux rêve, presque un mensonge. Mais surtout à quel prix ce supposé redressement se fait-il ?

Le ministre de l’Economie espagnol Luis de Guindos en conversation avec le président de la Banque Centrale Européenne Mario Draghi (avril 2014)
Aujourd’hui un Espagnol a presque trois fois plus de “chances” de se retrouver au chômage qu’un Français, et ce, pour une durée deux fois plus longue…
Janvier 2014. Le Figaro titre : « L’Espagne, l’Italie et le Portugal ont inversé, eux, la courbe du chômage ». L’Espagne affiche alors 25,8% des chômeurs et pourtant nos voisins ibériques ont réussit à « inverser la courbe », les trois mots magiques, laquelle culminait un an plus tôt à 26,94%.
Quelque temps plus tard, en juillet 2014, le FMI annonce une hausse du PIB sur un an de 1,2%, alors que les dernières prévisions, qui dataient du mois d’avril, prévoyaient 0,9%. Et, cerise sur le gâteau, le FMI voit pour l’Espagne une hausse de 1,6% en 2015 ! Tant d’années de sacrifices, de soumission structurelle totale et d’amputation du coût du travail ont donc enfin porté leur fruit. Alléluia ! Cette fois, toujours pour nos confrères du Figaro, l’Espagne est la « bonne surprise de la zone euro » qui « remonte la pente ». Quand on sait que ce fameux PIB a baissé de 6 % entre 2008 et 2013, c’est sûr qu’il y a de quoi souffler un peu.
La Banque d’Espagne, qui elle, comme le gouvernement de Mariano Rajoy, fantasme sur des chiffres du PIB à 1,3 % et 2 % pour l’année prochaine, lance : « Les composantes privées – consommation et investissement des entreprises – ont été les principaux soutiens du PIB au deuxième trimestre ». En effet, la bonne santé du secteur touristique (28 millions de visiteurs au premier semestre) et des exportations (qui progressent plus vite qu’en Allemagne) ont de quoi faire envie. Seulement, fin août, plusieurs rapports ont sifflé la fin de la récré. Comme les chiffres de l’Ine (L’Insee espagnol), qui ne voit en Espagne qu’une hausse du PIB de 0,6% au second semestre (comparé au premier) et, surtout, une baisse des prix à la consommation qui vient faire planer le spectre de la déflation. Surprenant ça aussi ?
Le cancre de l’OCDE

Tout d’abord sont tombés les chiffres du chômage, en hausse de plus de 8 070 individus en août, pour dépasser les 4,42 millions de chômeurs. Certes, entre 2013 et 2014, l’Espagne a fait baisser son taux de chômage de 2,2 points, un record en Europe. Et cela devrait continuer à diminuer. Mais dans les faits, un chômeur sur deux est désormais chômeur longue durée, contre un sur quatre en 2007.
Puis vinrent ces « Perspectives de l’emploi 2014 » de l’OCDE. Stefano Scarpetta, qui s’occupe de la branche Emploi de l’organisation, ne mâche pas ses mots : « De nouveaux ajustements des salaires dans les pays les plus touchés par la crise pourraient s’avérer contre-productifs et, dans un contexte où l’inflation est proche de zéro, cela pourrait accentuer le risque de pauvreté ». L’OCDE vient également pointer du doigt le trop grand nombre de CDD (presque un contrat sur deux et 88% des nouveaux contrats) qui « nuit aux salariés comme à l’économie ». Car ce n’est pas le nombre d’emplois qui inquiètent l’organisme, mais leur qualité.
Un emploi à quel prix ?

L’Espagne est la championne de l’emploi précaire et, de surcroît, les Espagnols sont ceux qui sont le plus à même de le perdre.

Il n’y a qu’à jeter un œil sur les graphiques de l’OCDE pour voir qui est le cancre. Un Espagnol a presque trois fois plus de « chances » de se retrouver au chômage qu’un Français, et ce, pour une durée deux fois plus longue.
En matière d’environnement et de salaire (34 824 $ annuels en moyenne contre 40 242 $ annuels moyens en France), l’Espagne est, là encore, en dessous de la moyenne de l’OCDE qui est de 43 772 $. Au Figaro (décidément en forme), on n’est pas trop inquiet des conclusions de l’OCDE. Le journal se contente de rappeler que le chômage recule « grâce à la reprise économique et des réformes sur le marché du travail », ne retenant des mots de Scarpetta que les passages où il faudrait « mettre l’accent sur la productivité ». Même Les Échos n’ont pas osé !
Marianne.net

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