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Moscou a décidé d’interdire “totalement” l’importation de produits agricoles en provenance de l’Union européenne. La France, l’un des premiers producteurs mondiaux, sera donc affectée, mais jusqu’à quel point?

Le Kremlin s’impatiente. Mais quel sera impact réel pour l’agriculture française de l’embargo “total” confirmé ce jeudi par Moscou? Celui-ci porte sur une liste de produits agricoles en provenance de l’Union européenne(mais aussi des États-Unis, d’Australie, du Canada et de Norvège), mesure de rétorsion contre les sanctions imposées contre le pays en raison du conflit ukrainien, sans être indolore, aura un effet relativement limité. Du moins, comparé à l’ensemble des exportations agricoles françaises.

Les chiffres exacts concernant le total des échanges de produits agricoles entre la France et la Russie diffèrent presque du simple au double selon la source.

Entre 619 millions d’euros…

Problème: selon les sources, les données diffèrent. Ainsi, selon les Douanes françaises, en 2013, la France a exporté pour 619 millions d’euros de produits agroalimentaires vers la Russie. Soit 3% de plus que l’année précédente.

A titre de comparaison, l’excédent commercial total engrangé par la France grâce au secteur agroalimentaire a atteint 11,6 milliards d’euros l’an dernier (dont 3,7% pour les seuls produits agricoles qui ne tiennent pas compte des boissons).

Et 1 milliard

En outre, les ventes de produits agroalimentaires français à la Russie ne représentent “que” 8% du total de ses exportations vers ce pays, selon des chiffres de la Direction générale du Trésor. Laquelle précise que ce chiffre est probablement sous-évalué, les douanes russes estimant à environ 1 milliard d’euros les importations du pays de produits agroalimentaires en provenance de l’Hexagone. Il est ainsi précisé:

Outre le fait que les méthodes de calcul diffèrent d’un pays à l’autre, cette divergence est également due au fait que de nombreux produits agroalimentaires, notamment les vins et spiritueux, transitent par certains pays de l’UE sans que les douanes françaises ne connaissent la destination finale des marchandises.

La France, “cave à vin ” de la Russie

D’ailleurs, la France est le premier fournisseur de la Russie en vins et spiritueux (21,7% de parts de marché), mais cette catégorie a été épargnée.

En revanche, dans le détail, la facture n’est pas anodine pour trois autres catégories de produits. Il s’agit, détaille Olivier Bouillet, directeur du bureau en Ukraine d’Agritel, cabinet indépendant expert des matières premières agricoles:

“des viandes et poissons (ainsi que les produits transformés à base de produits animaux) qui représentaient 143 millions d’euros l’an dernier; les œufs, le lait et les plats préparés (156 millions d’euros) et enfin les légumes, céréales et oléagineux (157 millions d’euros).”

En tenant compte d’autres produits comme par exemple les condiments, Agritel comptabilise pour 2013 un total de 745,81 millions d’euros de produits agricoles exportés. Un total réalisé à partir de données provenant des douanes russes, qui diffère donc, une fois de plus, des données avancées par les Douanes françaises, et de celles retenues par le Trésor.

Le porc européen, déjà interdit de séjour en Russie

A noter: concernant le cas particulier la viande porcine, un embargo avait déjà été imposé par la Russie, que, selon le site spécialisé EurActiv, la France, le Danemark et les Pays-Bas avaient tenté de faire lever.

Effet collatéral, la principale région productrice de viandes carnées et de produits laitiers, le “Grand Ouest“, sera sans doute la première affectée par cet embargo, explique Olivier Bouillet.

Quel que soit le niveau final de production concernée, il faudra quoi qu’il en soit lui trouver de nouveaux débouchés. S’ils restent en Europe, cela pourrait tirer un peu plus les prix vers le bas. Ce que redoute le patron de la FNSEA, Xavier Beulin, qui s’exprimait ce jeudi sur iTélé:

“De fait ces productions qui ne vont plus aller sur la Russie vont sans doute se rabattre sur le marché européen et on craint une situation de crise.”

Auchan moins affectée que Metro?

Quant aux entreprises, le cas de l’un des principaux distributeurs français sur le marché russe est fréquemment cité. Il s’agit d’Auchan qui comptait 200 magasins en Russie au 31 janvier 2013, lesquels ne commercialisent évidemment pas que des produits d’origine française.

Le groupe français serait “relativement moins affecté” que l’allemand Metro Group, selon le cabinet britannique spécialisé dans la distribution, IGD. Le distributeur allemand y réalise en effet quelque 13% de ses ventes totales.

Où la Pologne écoulera-t-elle ses pommes?

Plus généralement, l’Allemagne mais aussi les Pays-Bas, également partenaires commerciaux de la Russie risquent d’être encore plus affectés que la France par les interdictions imposées par Moscou. Et des voisins plus proches en dépendent encore davantage. C’est le cas de la Pologne.

Par exemple, le premier importateur mondial de pommes, a écoulé chez son voisin 57% de sa production l’an dernier, toujours selon IGD… Reste à savoir si des stratégies de contournement, via des pays tiers, seront mises en place pour tenter de lever cette barrière.

La Tribune

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