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Sur les tapis rouges comme sur les réseaux sociaux, les stars Afro-américaines sont de plus en plus nombreuses à troquer leurs extensions contre des crinières crépues. Depuis quelques années aux États-Unis, on assiste à un grand retour au naturel chez les femmes noires. Tendance, désir de prendre soin de soi, revendication ?

« Nappy ». Il suffit de taper le mot dans Google pour mesurer l’ampleur du sujet. Résultat : quelques 5,5 millions de contenus. Contraction de natural happy, le phénomène du retour des afros envahit l’univers de la beauté noire depuis près de six ans aux États-Unis. (…)

L’afro, signe d’une revendication politique

Mais plus qu’une tendance beauté, le retour de la chevelure naturelle chez les femmes noires s’inscrit dans une dimension plus historique. Si le cheveu crépu attire les regards aujourd’hui, c’est qu’il était tombé dans l’oubli depuis la fin du mouvement des Black Panthers en 1966, et des années disco. Par signe de revendication politique, les Black Panthers se laissaient pousser l’afro pendant la ségrégation aux États-Unis dans les années 1960. Mais l’afro ne résiste pas longtemps aux tensions sociales, et fait profil bas dès le milieu des seventies. Et c’est là qu’entre en jeu le défrisage. Vestige de l’esclavage, il était pour les Noirs un moyen de se rapprocher physiquement de « l’homme blanc » en gommant cette différence physique, et ainsi de voir leur condition sociale s’élever.

“Les Noirs vivent dans un monde où ils n’ont pas fixé les règles”

Si la pratique perdure encore de nos jours, pour la sociologue Juliette Smeralda, auteure d’un essai anthropologique qui retrace le cheminement de l’image de soi dans les diasporas noires et indiennes , la société occidentale impose des codes de beauté – peau claire, cheveux lisses – qui ne correspondent pas aux femmes noires. Une pression ressentie dès le plus jeune âge : « l’exposition constante de la fillette noire à la poupée occidentale risque de modifier son rapport intime à elle-même ». Même si les Barbies de couleur ont fait leur apparition sur le marché du jouet, « la texture du cheveu, les traits du visage sont restés longs et caucasoïdes. » Cendrillon, Pocahontas, La Belle au Bois Dormant, Alice au Pays des Merveilles… Des contes pour enfants les plus connus aux films Disney, toutes les histoires imaginent le même type d’héroïne : brunes, blondes ou rousses, aux cheveux longs et lisses. (…)

Le rejet du cheveu crépu par le peuple noir s’explique aussi par la perte d’un héritage. Arrachés à l’Afrique et démunis de tous leurs biens, les esclaves n’ont pas pu transmettre l’enseignement de la coiffure ».

Une question d’identité culturelle

Le retour de l’afro souligne alors une certaine volonté d’affirmer son appartenance ethnique, une façon d’assumer ses origines. « Je me suis sentie libérée quand j’ai compris d’où venait mon complexe » confie une autre convertie. « Quand tu portes tes cheveux au naturel, c’est aussi un moment où tu t’intéresses à tes racines, à ta culture » ajoute Qita, également adepte du mouvement. (…)

La sociologue rajoute qu’il « est difficile de remettre en question l’image qu’on s’est renvoyée dans le miroir pendant longtemps. Vous imaginez le désarroi des femmes politiques noires si elles étaient forcées un jour de porter le cheveu crépu ? »

Nappy, une dictature ?

Comme dans tous les mouvements identitaires, les Nappy ont  leurs extrémistes. Pour les « nappex » (nappy extrémistes), adopter un cheveu non naturel (défrisés, ou tissages) – et donc se soumettre aux codes imposés par les canons de beauté occidentaux – est synonyme de déloyauté. « Défriser ses cheveux, c’est renier son identité » juge l’une d’entre elles. Cette micro-communauté considère les non-adhérentes au mouvement nappy comme des « racistes qui trahissent les femmes noires et refusent de s’assumer ». (…)

On pourrait citer de nombreuses affaires où les Noirs ont subi de sévères sanctions en raison de la nature de leurs cheveux. (…)  Plus tôt en 2012, c’était Air France qui mettait à pied l’un de ses stewards : l’homme avait refusé de porter plus longtemps la perruque imposée par la compagnie afin de cacher ses cheveux crépus. Sans parler de l’armée américaine qui a annoncé cette année l’interdiction des coiffures afro pour les femmes, avant de reculer face à la pétition contre cette prohibition, qui a réuni plus de 17 000 signatures. La persistance de ces injustices autour du cheveu noir soulève la question suivante : qu’est-ce qu’un cheveu correct ? (…)

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