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Des fourchettes, des brosses à dents ou simplement des morceaux de plastique mélangés à de la roche et à d’autres débris naturels, voilà ce sur quoi sont tombés la géologue Patrician Corcoran de l’université canadienne de Western Ontario et son équipe, lors d’une expédition scientifique à Hawaï. L’association durable des matières donne naissance à un nouveau type de pierre qui pourrait perdurer au fil des temps géologiques.

Du plastiglomerat (A) contenant du basalte, du plastique fondu, un bout de corde jaune et vert et un filet rouge, (B) où des morceaux de plastique noir et vert de conteneurs adhèrent à du basalte, (C) avec des pastilles de plastique et des débris ligneux, (D) composé de sable, d’un tube noir, d’un couvercle de bouteille, de pastilles, d’un filet et d’une partie de sac en plastique. © Patricia Corcoran et al., GSA Today

Surnommé « plastiglomérat » par ses rapporteurs, le matériau semi-naturel se compose d’une agrégation de roche volcanique, de sable, de débris de coquillage, de coraux et bien sûr, de matière plastique. Ce dernier peut aussi couler dans le roc et y remplir des fissures. Présent en masse dans l’environnement, le déchet industriel fondrait sous l’effet de la chaleur produite par des incendies accidentels ou par des coulées de lave, suppose la chercheuse dans un article publié sur GSA Today.

Le phénomène ne se localiserait pas qu’à la Grande Île de l’archipel, ni même qu’à la surface terrestre : des échantillons auraient été collectés sur d’autres îles hawaïennes. Pour la géologue, les plastiglomérats sont certainement présents sur d’autres littoraux du monde, mais ils n’ont simplement pas encore été repérés. Naturellement déposés sur les fonds marins, ils sont ensuite enfouis dans les sédiments où ils peuvent être conservés au cours du temps.

Le plastiglomérat pourrait faire office de marqueur de l’Anthropocène

Pour Douglas Jerolmak, géophysicien à l’université de Pennsylvanie, aux États-Unis, « si ces choses peuvent être conservées, elles pourraient bien être un marqueur dans le monde de la période à partir de laquelle les humains en vinrent à dominer le monde et à y abandonner leurs déchets en grande quantité ». Certains chercheurs doutent de la conservation fossile du matériau du fait des processus géomorphologiques qui conduisent les roches au centre de la Terre où elles subissent des températures extrêmement élevées. Le plastique contenu dans les agglomérats devrait y fondre et reprendre une forme originelle de pétrole.

Pour d’autres, dont Patricia Corcoran fait partie, des catégories de plastique pourraient se conserver sous la forme d’une fine couche de carbone, un peu à la manière dont les feuilles des plantes se fossilisent. Il se pourrait bien qu’un jour on découvre un fossile de bouteille de plastique aplatie, suppose un paléontologue.

Dans tous les cas, la découverte des plastiglomérats hawaïens entre en faveur des adeptes, au sein de la communauté scientifique, de l’Anthropocène. Cette nouvelle ère géologique, succédant à l’Holocène, démarrerait à la révolution industrielle du XIXe siècle, marquant le début de l’influence durable de l’Homme sur l’environnement et le climat.

Avec un production industrielle mondiale totale, des années 1950 à nos jours, estimée à 6 milliards de tonnes et une consommation européenne multipliée par vingt sur cette période, le plastique sous forme de détritus est de nos jours omniprésent sur notre planète.

On en trouve ainsi sur terre, dans les océans sous la forme d’un 7e continent, mais aussi dans les rivières et les lacs. Sa dégradation est un processus lent et sa persistance dans l’environnement est estimée à des centaines de milliers d’années. Cette longévité peut augmenter dans les climats froids, les fonds océaniques et les sédiments. Et récemment, des particules ont été découvertes emprisonnées dans la banquise de l’océan Arctique.

FUTURA Sciences

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