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La crainte de nationalisations est tout à fait déplacée et aucun slogan des révoltes arabes de 2011 n’a montré d’hostilité au capital étranger, européen ou non européen. Il convient simplement de sortir progressivement de la logique des zones franches et des avantages fiscaux qui ne sont en rien corrélés avec des indicateurs de développement des capacités de maîtrise et d’innovation technologiques.

Si l’on songe que la côte sud de la Méditerranée est la porte d’entrée vers le continent africain, d’un côté, et vers la riche péninsule Arabique, de l’autre, comment ne pas s’orienter vers de grands investissements industriels pour produire localement et exporter des biens d’équipement comme des biens de consommation, grâce à la valorisation des très vastes ressources humaines disponibles sur les deux rives de la Méditerranée ?

En bref, il est temps de commencer à penser la complémentarité active et productive au bénéfice des deux rives, en lieu et place des situations rentières qui dominent trop souvent les relations économiques entre les deux rives de la Méditerranée.

La coproduction peut, bien sûr, prendre également la forme de capitaux du sud de la Méditerranée, investis en Europe dans des entreprises de taille moyenne à la recherche de liquidités pour assurer leur développement et leur expansion.

L’essoufflement des économies européennes et le blocage des économies du sud de la Méditerranée appellent un sursaut dans le cadre d’un ensemble euro-méditerranéen plus compétitif, aussi bien vis-à-vis de l’Extrême-Orient que de la zone économique nord-américaine (port de Marseille).

La marche forcée vers toujours plus de mondialisation économique et de transferts d’activités d’Europe occidentale et des États-Unis vers les économies émergentes semble connaître une pause. La hausse des salaires en Chine et le développement de son gigantesque marché intérieur, la baisse du niveau des salaires ouvriers en Europe et aux États-Unis expliquent notamment ce ralentissement.

Aux États-Unis, des frémissements se font sentir dans les industries textile et automobile. En Allemagne, des politiques appropriées ont permis de sauvegarder des pans entiers de l’industrie de biens d’équipement, toujours en forte demande sur le marché international du fait de la qualité de sa production.

L’heure est peut-être venue, pour les économies européennes, de sortir de leur sommeil grâce à une renaissance industrielle. Si le redéploiement des industries des pays d’Europe de l’Ouest vers l’Europe de l’Est a vraisemblablement atteint ses limites, il n’en est pas de même en ce qui concerne les relations industrielles avec les pays au sud de la Méditerranée.

Pour l’heure, les accords d’association et de libre-échange de l’Union européenne (UE) avec les pays tiers méditerranéens n’ont pas donné les bénéfices escomptés pour ces pays : le taux de chômage des jeunes – et notamment des jeunes diplômés – n’a pas diminué ; la part des exportations de ces pays vers l’UE n’a pas substantiellement augmenté.

Ensemble euro-méditerranéen

Dans le domaine industriel, les zones franches et les avantages fiscaux accordés à la sous-traitance des multinationales européennes vers les sociétés locales n’ont pas entraîné de dynamique d’industrialisation des pays arabes du pourtour méditerranéen.

Cette sous-traitance a certes fourni de l’emploi local et des bénéfices défiscalisés, mais elle n’a guère poussé les entrepreneurs locaux à pratiquer une remontée progressive de filières technologiques.

Sortir de la logique des zones franches

Il est temps d’être plus ambitieux et de faire émerger un ensemble productif et compétitif euroméditerranéen, en passant de la sous-traitance à la coproduction. Dans une telle approche, la réindustrialisation de l’Europe devrait se déployer en tenant compte du potentiel dormant de consommation comme de production des économies du Sud.

La politique d’assistance de l’UE à ces pays a permis une modernisation des institutions économiques et financières, voire une convergence institutionnelle. Elle n’a cependant pas réussi à dynamiser les structures de production restées chétives et incapables d’offrir les indispensables opportunités d’emploi, ce qui explique en partie les révoltes de 2011 sur la rive sud de la Méditerranée.

Ces structures sont restées prisonnières de situations rentières et de concentration massive de l’activité économique aux mains de quelques groupes d’affaires oligopolistiques ayant l’appui des autorités politiques.

Peut-on coproduire entre les deux rives de la Méditerranée aujourd’hui ? La situation est mûre pour cela. Au nord comme au sud de la Méditerranée, les politiques de modernisation et l’objectif de convergence des économies ont atteint leurs limites dans le cadre des structures de production actuelles.

Pour cela, il faut que les réserves cachées de productivité soient enfin libérées de toutes les contraintes et pesanteurs qui leur font barrage depuis des décennies, en dépit des politiques de libéralisation mises en œuvre avec l’aide de l’UE et des institutions de financement internationales. Il faut d’ailleurs reconnaître que les économies au sud de la Méditerranée ont montré qu’elles sont favorables aux investissements privés des économies au nord.

Le Monde

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