Fdesouche

[article signé Thibault Gajdos (CNRS)]
L’extrême droite européenne n’a évidemment pas changé : c’est, aujourd’hui comme hier, la haine de l’autre qui nourrit la peur de l’étranger. Mais elle se pare du masque, plus présentable, d’un « raisonnement » économique et social qui, alors que l’Europe traverse une crise d’une rare violence, trouve des oreilles attentives.
Ce raisonnement (si l’on ose dire) est simple : s’il travaille, l’immigré nous prive d’un emploi ; s’il ne travaille pas, il profite d’une générosité que l’état de nos finances publiques ne nous permet plus. Dans tous les cas, un immigré de plus, c’est un chômeur supplémentaire. Il suffit d’inverser l’argument pour alimenter la folie nationaliste : refoulez les immigrés, et le chômage disparaîtra…
Ce fantasme a été balayé par une étude récente [voir référence sur l’article source]. Pour la première fois, ces économistes ont mesuré les effets de la concurrence des travailleurs immigrés sur les destins individuels des travailleurs nationaux européens entre 1994 et 2001.

Les chercheurs ont établi que la concurrence des travailleurs immigrés augmente la probabilité de promotion des travailleurs nationaux (c’est-à-dire la probabilité de passer, par exemple, d’ouvrier à employé).

On pourrait craindre que cette amélioration ne se fasse au prix d’un licenciement et d’un passage par le chômage, ou d’un déménagement dans une autre région. Il n’en est rien.

La concurrence des travailleurs immigrés n’affecte ni le taux d’emploi, ni la localisation des travailleurs nationaux. Non seulement les travailleurs étrangers ne viennent pas évincer les travailleurs européens mais, au contraire, ils accélèrent leur promotion sociale…

Le mécanisme à l’oeuvre est simple : les travailleurs étrangers venant occuper les emplois relativement moins qualifiés et moins payés, les nouveaux emplois, plus qualifiés, bénéficient d’abord aux ressortissants nationaux.
Mais tout cela ne vaut peut-être pas en temps de crise ? Les  chercheurs ont montré que la réaffectation des travailleurs nationaux vers des tâches plus complexes assorties de salaires plus élevés du fait de la concurrence des travailleurs immigrés, observée avant la crise de 2007-2010, s’est poursuivie pendant celle-ci, bien qu’à un rythme plus modeste.

L’immigration n’est donc pas une menace pour les travailleurs européens, mais une chance. En martelant le contraire, l’extrême droite mène inéluctablement à une régression économique et sociale. En cédant à la surenchère sur ce thème, les partis de gouvernement ajoutent à une faute morale une erreur économique

Le Monde

Fdesouche sur les réseaux sociaux