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Un tout nouveau lobby des éditeurs web européens vient de déposer une plainte contre Google à Bruxelles. Tout en organisant son premier raout à Paris.

Antitrust, tu perds ton sang-froid. A moins de deux semaines des élections européennes, les plus gros éditeurs web européens ont décidé de se rebiffer contre Google et son hégémonie. Rassemblés au sein d’un Open Internet Project (OIP) de circonstance, Lagardère Active, Axel Springer (le plus gros groupe de presse allemand) ou encore le GESTE (qui représente une bonne partie de la presse en ligne française) organisaient ce jeudi à la Cité Universitaire une conférence dédiée à la lutte contre le superprédateur américain.

L’enjeu ? Sortir de l’étreinte du moteur de recherche et de son imparable monopole. Comment ? En déposant une plainte devant la Commission européenne pour abus de position dominante. Le timing ne doit rien au hasard : Trois ans et demi après avoir été attaqué une première fois, Google a négocié il y a quelques semaines un accord a minima avec Joaquin Almunia, le commissaire à la concurrence de Bruxelles.

Problème : il est vigoureusement contesté par les membres de l’OIP, qui craignent non seulement un enterrement de première classe pour leurs revendications, mais un blanc-seing pour Google, libre d’éliminer la concurrence d’un « bruissement d’algorithme » (l’expression est de Denis Olivennes, le président de Lagardère Active). D’où leur volonté de hausser le ton pour se faire entendre auprès de la prochaine Commission.

« Dégrouper » Google

Dès le mois dernier, le patron d’Axel Springer, Mathias Döpfner, avait ouvert le bal dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung par une tribune : « J’ai peur de Google » , ses petits camarades ont porté le même message alarmiste. « Sans contre-pouvoir, une puissance finit toujours par abuser de son pouvoir », s’est ainsi inquiété Benoit Sillard, le patron de CCM Benchmark (L’Internaute, Copains d’Avant, Le Journal du Net). Quant à Denis Olivennes, il l’a joué bilingue : « Notre ennemi, c’est TINA, there is no alternative. Internet ne peut pas être le monde d’un seul ». Comme pour éviter de passer pour une bande d’enfants chouineurs tirant la manche de la maîtresse, le boss d’Europe 1 et tonton de la loi Hadopi a tenu à rappeler que les membres de l’OIP étaient « pour la compétition, mais équitable ».

Et d’évoquer tous ensemble la possibilité d’un « dégroupage » de Google pour dynamiter son avantage fiscal, c’est à dire un démembrement de ses activités, un découpage de sa cuirasse.

« Vive l’Internet libre, et vive la France ! »

Mais pour attirer l’attention de l’opinion publique, l’Open Internet Project a compris qu’il ne fallait pas se limiter à des passes d’armes au tableur Excel et à débats d’experts sur la très sexy neutralité du moteur de recherche. On a donc eu droit à des prises de parole plus inattendues, moins cravatées, plus culottées. L’économiste Pascal Perri a répété les imprécations de sa récente étude : Google détruira entre 5000 et 12 000 emplois d’ici 12 à 24 mois. Quant à Laurent Alexandre, chirurgien-fondateur de Doctissimo reconverti dans le séquençage ADN, il a scotché l’auditoire en improvisant une conférence TED sur le « projet politique » de Google, entre robotique, intelligence artificielle et transhumanisme (qu’on vous contait récemment ici). Cerise sur le gateau, c’est Arnaud Montebourg en personne qui est venu tirer la dernière rafale. A grand renfort de métaphores – croiseurs, destroyers, vaisseaux amiraux, Gulliver et lilliputiens – le ministre de l’Economie a martelé sa nouvelle punchline colbertiste : « L’Europe et la France ne doivent pas devenir les colonies numériques des géants de l’Internet mondial ».

Par quatre fois, il a prononcé le mot « souveraineté » ; en latin et en français, il a plaidé pour la fin d’une vision « contractuelle » la donnée, à laquelle il veut attacher un statut juridique en forme de droit moral ; et à la fin, il a bien évidemment fini par réclamer une loi commune de l’Europe pour réguler les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon). « Vive l’Internet ouvert, vive l’Europe numérique, et vive la France ! » Applaudissements nourris. Suffisant pour attirer l’attention de Google ?

Telerama

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