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Le colonialisme est-il vraiment la cause des problèmes d’intégration en France ? Pascal Bruckner pourfend cette idée reçue.

La décolonisation serait un leurre. À en croire les esprits autorisés, nous vivrions dans la France de 2014 une situation analogue à celle des années 1930 quand Paris exerçait un magistère sans restrictions sur l’ensemble des continents. C’est la “fracture coloniale”, selon l’expression de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, qui expliquerait la situation de fragilité et de marginalisation des enfants issus de l’immigration, Noirs et Maghrébins, à qui l’on applique les schémas en usage dans l’ancien empire.

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“Nos parents et grand-parents ont été mis en esclavage”, affirmait d’autre part l’Appel des indigènes lancé par plusieurs collectifs durant l’hiver 2005 : “Nous, fils et filles d’immigrés, nous sommes (…) engagés dans la lutte contre l’oppression et la discrimination produites par la République postcoloniale (…) Il faut en finir avec des institutions qui ramènent les populations issues de la colonisation à un statut de sous-humanité.”  […]

Le 21 juin 2010, une pétition lancée dans Libération et signée entre autres par Éric Hazan, Antoine Volodine, Siné… dénonçait dans les forces de l’ordre, qui s’étaient fait tirer dessus à Villiers-le-Bel par les “gamins” des cités, des “forces d’occupation” en guerre contre le peuple forcément caricaturé comme un ensemble de “délinquants polygames à femme en burqa”. […]

“La France blanche a vécu, explique la militante antiraciste Rokhaya Diallo, et ceux qui ne l’aiment pas peuvent la quitter.”

À suivre ces nouvelles vulgates, les problèmes sociaux seraient d’abord des problèmes ethniques et les quartiers rien d’autre que nos nouveaux dominions : Paris ferait main basse sur les cités, exploiterait leurs richesses, mènerait à leur égard une violente politique de spoliation ! Rappelons que d’autres ont voulu faire des banlieues l’équivalent des territoires occupés de Palestine, une bande de Gaza et une Cisjordanie à elles seules aux environs de Lyon, de Toulouse.

Voilà donc que les Français deviennent des colons chez eux et qu’il faudrait les exproprier de l’Hexagone.

Au lieu d’admettre que le système français décourage l’initiative, qu’un taux de chômage des jeunes de 40 % dans les cités, l’absence de qualifications, l’omniprésence de gangs qui font la loi rendent leur situation catastrophique, on s’invente une généalogie fantastique, on lit les Minguettes ou la Courneuve avec les lunettes des Aurès ou des hauts plateaux du Tonkin. […]

Or, la situation dans les banlieues relève du rejet, de la séparation territoriale, non de la subordination à des fins commerciales qui fut le propre des empires. Les colons tenaient un pays, ne l’abandonnaient pas, n’en faisaient pas un “territoire perdu de la République”. […]

“Fracture coloniale” : ce terme, vague à souhait, permet d’expliquer à peu près n’importe quoi et tire sa force de sa fausse simplicité. Veut-on dire par là que la France reste marquée par son histoire récente ? C’est une lapalissade. Que les immigrés en provenance de nos anciennes colonies sont maltraités, relégués aux taches subalternes ? Que le patronat et les pouvoirs publics rêvent de les importer quand ils en ont besoin et de les renvoyer quand le travail vient à manquer ? C’est exact, comme à peu près dans tous les pays d’Europe, même ceux qui n’ont aucun passé impérial ou ont été colonisés par les Russes, les Arabes, les Ottomans. Ces migrants du Maghreb ou d’Afrique noire sont-ils moins bien considérés que les Tamouls, les Pakistanais, les Cinghalais, les Philippins, voire les Baltes, les Polonais, les Roumains, toutes nationalités que nous n’avons pas occupées, que je sache ? […]

Enfin, si l’Hexagone pratique à large échelle sur ses populations immigrées discrimination et morgue, comment expliquer que celles-ci continuent à se presser à nos frontières, à réclamer des visas ? Outre les raisons économiques évidentes, n’est-ce pas aussi que notre vieille République, si infâme soit-elle, leur offre malgré tout les chances d’une émancipation, d’un accès à la liberté dont ils sont privés chez eux ?

Parler en permanence de néo-colonialisme, c’est à nouveau enfermer les individus dans une définition ethnique ou raciale, les replonger dans la nasse dont on entend les soustraire, les replacer en position de victimes éternelles.

Par une dialectique perverse, on renforce les préjugés qu’on voulait extirper : on ne peut plus considérer l’autre comme un égal, mais comme un opprimé perpétuel, assigné à résidence dans son épiderme, son origine.

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