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Lors du génocide au Rwanda, en 1994, Kandida Muhuri était en France. Elle a décidé de «devenir Française» après «la frustration ressentie les 23 et 30 mars».

Quelle frustration n’ai-je pas ressentie quand les 23 et 30 mars derniers j’ai laissé les autres aller voter pour moi. Les heures qui ont suivi l’annonce des résultats m’ont plongé dans une profonde angoisse. La prochaine fois que l’on appellera le peuple français à donner de sa voix, je répondrai présente.

20 ans après le génocide qui décima entre 800.000 et un million de Tutsis et de Hutus, j’ai décidé de déposer ma demande de naturalisation française à la préfecture de mon domicile.
Pourquoi avoir attendue si longtemps ? Je ne le sais pas moi-même. […] Jusqu’à présent, je refusais de répondre à cette question. Je refusais de choisir… Je n’en avais pas le courage !
Et cette peur. Cette peur de n’être plus personne. Ni rwandaise totalement, ni complètement française. Les 6 premières années de ma vie passées de l’autre côté de l’équateur font une différence dans les yeux de certains, mais aussi dans les miens.
J’aime vivre en France. Mais je ne me sens pas d’ici. Je me sens de nulle part… comme si je lévitais encore quelque part entre Kigali et Paris … Suspendue…
C’est cette peur de n’être plus identifiable qui me pousse à faire un pas, à choisir enfin, à me prouver à moi-même, plus qu’à tout autre que 20 ans après, je suis, aussi, devenue française.
Et puis il y a cette colère. Parce que, oui, parfois j’enrage. J’enrage de voir ce pays devenu le mien se replier sur lui par peur de l’autre. J’enrage de ne pouvoir intervenir. […] C’est sans doute pour tout cela qu’il m’a fallu attendre 20 années. Avril 2014, aujourd’hui Rwandaise et réfugiée politique, je prends la décision de devenir française.
Nouvel Obs

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