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France Info diffusait le 8 avril un reportage titré “les premiers pas du FN”. Celui-ci illustrait parfaitement la dérangeante façon dont les médias traitent ce parti et plus encore les Français qui ont osé l’élire.

Atlantico : Suite à la victoire du Front national dans plusieurs mairies, plusieurs reportages ont commencé à émerger pour tenter de “décrypter” la vie quotidienne des citoyens de Béziers, Hénin-Beaumont ou Mantes-la-Ville, parfois avec beaucoup de distance. N’y a-t-il pas un syndrome de “safari médiatique” dans le traitement de ces localités par les chaînes d’information ?

Arnaud Mercier : Il est certain que la tentation de tomber dans ce panneau est grande, et ce pour deux raisons.

A la fois parce qu’on voit bien que chez un certain nombre de journalistes qui se livrent à ça, on constate une certaine forme d’incongruité idéologique comme sociologique à accepter l’idée que le Front national puisse remporter des villes. Chez certains journalistes, ça reste de l’ordre de l’incompréhensible, de l’inconcevable voire de l’intolérable.

C’est, cependant, une problématique particulièrement habituelle du traitement médiatique réservé au Front national : on n’a pas attendu ces municipales-là. Il y a également un deuxième enjeu lié à cette incongruité, c’est qu’elle est tout de même partagée par une majorité de Français. Même si aujourd’hui on assiste à une dédiabolisation du Front national, qu’un certain nombre de nos concitoyens adhèrent en partie aux idées développées par le FN et que beaucoup d’entre eux n’estiment plus qu’il représente une menace pour la démocratie, et en dépit des indicateurs objectifs qui actent cette dédiabolisation, il n’en reste pas moins qu’une majorité de Français pense encore le contraire. C’est donc nécessairement un enjeu que de servir, avec ce regard-là, des reportages sur le Front national. Donner à voir le Front national comme une incongruité à un public qui le voit déjà comme une incongruité, que ce soit en tournant en ridicule certains électeurs ou certains policiers, n’est pas étonnant d’un point de vue de logique médiatique.

De là à parler de zoo ou de safari médiatique, je crois que la métaphore est excessive. Je doute que les journalistes qui se rendent sur place se pensent en montreur d’ours qui souhaitent faire des électeurs des bêtes furieuses. Ça n’empêche, en revanche, que le reportage soit grêlé de jugement de valeurs au travers de pirouettes rhétoriques ou scénaristiques un peu ridicule.

Hebergeur d'imageComment expliquer cette appréhension de la part des médias ? Peut-on parler d’un “clash sociologique” entre des journalistes souvent parisiens et des électeurs de plus en plus déconnectés de la vie nationale ?

[…] Les ressorts du vote populaire en faveur du Front national peuvent être difficiles à comprendre, notamment chez certains journalistes issus des services politiques des grands médias nationaux. […]

Il y a néanmoins et effectivement deux France qui se rencontrent et certains journalistes se rendent bien compte qu’il y a une forme rupture, de déconnexion, avec le reste. C’est notamment le cas d’Eric Dupin qui a écrit des livres sur ce sujet. Il est nécessaire que les journalistes ne plaquent pas leur schéma mentaux et leurs univers culturels sur d’autres univers, ce qui résulte sur des jugements à l’emporte-pièce, des présentations de jugements de valeurs comme des données objectives, ou un choc des cultures. […]

Atlantico

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