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Nous Autres est un roman de Yevgueni Zamiatine, paru en 1920. Il a beaucoup influencé 1984 (George Orwell) et Le Meilleur des mondes (Aldous Huxley). PDF disponible ici
Extraits :
« Certains ont un grand succès en amour. D’autres non. N’est-il pas absurde que le gouvernement d’alors ait pu laisser la vie sexuelle sans contrôle ? C’était une vie absolument a-scientifique et bestiale. Les gens produisaient des enfants à l’aveuglette, comme des animaux. Ils n’ont jamais pensé à ce que nous appelons les Normes Maternelle et Paternelle.
(…) La « Lex Sexualis » (loi sexuelle) fut proclamée : « N’importe quel numéro a le droit d’utiliser n’importe quel autre numéro à des fins sexuelles. »
Et le reste n’est plus qu’une question de technique. Chacun est soigneusement examiné dans les laboratoires du Bureau Sexuel. On détermine avec précision le nombre des hormones de votre sang et on établit pour vous un tableau de jours sexuels.
Vous faites ensuite une demande, dans laquelle vous déclarez vouloir utiliser tel numéro, ou tels numéros. On vous délivre un petit carnet rosé à souches et c’est tout.
Il est évident que les raisons d’envier le prochain ont disparu. Ce qui, pour les anciens, était une source inépuisable de tragédies ineptes, a été transformé par nous en une fonction harmonieuse et agréablement utile à l’organisme.
Il faut que je vous parle du Jour de l’Unanimité. Je l’ai toujours aimé depuis mon enfance. C’est demain le jour de l’élection solennelle du Bienfaiteur.
Il va de soi que cela n’a rien de commun avec les élections désordonnées et inorganisées qui avaient lieu chez les anciens et dont — cela paraît ridicule —, le résultat lui-même était inconnu à l’avance. Que peut-il y avoir de plus insensé que d’organiser un État sur des contingences absolument imprévisibles, à l’aveuglette ?
Est-il besoin de dire que rien chez nous n’est laissé au hasard ? Rien d’inattendu ne peut survenir ; nous constituons un seul organisme aux millions de cellules et nous formons une seule Église.
L’histoire de l’État Unique ne connaît pas de cas où une seule voix se fût permis de détruire la grandiose unanimité de ce Jour. On dit que les anciens pratiquaient le vote secret, en se cachant comme des voleurs. Il est probable que les élections étaient accompagnées de cérémonies mystiques et, peut-être même, criminelles.
Nous n’avons rien à cacher, nous n’avons honte de rien, c’est pourquoi nous fêtons les élections loyalement et en plein jour. Je vois les autres voter pour le Bienfaiteur et ils me voient également. Pourrait-il en être autrement puisque « tous » et « moi » formons un seul « Nous » ?
En supposant l’impossible, si une dissonance se produisait dans l’homophonie habituelle, nous avons les Gardiens, invisibles parmi nous, qui peuvent arrêter les numéros tombés dans l’erreur, les préserver de faux pas futurs et sauver ainsi l’État Unique.
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