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En Égypte, Tunisie et Libye, les révolutions n’ont pas seulement engendré le chaos politique mais un désastre économique et social.

” C’est pire qu’avant.” Du Caire à Tunis ou à Tripoli, dans les maisons confortables ou les quartiers miséreux, la phrase revient comme une litanie lancinante. Le Printemps arabe n’a pas seulement débouché sur un grand chaos politique. Les pauvres sont plus pauvres, les classes moyennes laminées, les économies encalminées. La misère progresse.
En Tunisie, l’adoption d’une constitution éclairée est une bonne nouvelle. Les frères musulmans ont été contraints d’accepter aujourd’hui ce qu’ils refusaient hier. Mais cette avancée démocratique ne peut occulter l’état réel du pays. La classe moyenne, qui représente la moitié de la population, dispose d’un revenu moyen de 800 dinars par mois, environ 350 euros. Le chômage est, au moins, à 16 %. Au minimum 100 000 emplois devraient être créés chaque année afin d’absorber le nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail. On en est très loin. Le tourisme est sévèrement touché, l’industrie, notamment textile, est pénalisée par les désordres et frappée par la crise en Europe. Le budget 2014, qui surestime la croissance et les capacités d’endettement, est jugé irréaliste par les spécialistes.
En Égypte, c’est pire. Le maréchal Abdel Fattah al-Sissi et l’armée contrôlent le pouvoir après avoir renversé Mohamed Morsi et écrasé les Frères musulmans. Mais l’économie s’en va à vau-l’eau. On estime que la révolution a déjà coûté 7,5 milliards de dollars au pays. Les salaires ont baissé de 11 %, les prix des denrées alimentaires de base ont, eux, augmenté de 10 %. Un quart des Égyptiens vit avec moins de deux dollars par jour. Les réserves de change ont fondu des deux tiers. Le tourisme, qui assure 12 % du PIB, est en berne. Sous Mohamed Morsi, c’est le Qatar, parrain des Frères musulmans, qui assurait les fins de mois de l’Égypte. L’Arabie saoudite, protectrice des militaires, a pris le relais et ouvert son porte-monnaie : cinq milliards de dollars d’aide. Un milliard en cash, deux milliards en produits pétroliers, deux milliards en dépôt bancaire. Seules les recettes du canal de Suez se maintiennent à environ 400 millions de dollars par an. Le péage est toujours une valeur sûre… Quant aux investissements étrangers, ils sont trois fois moins importants que pendant la décennie 2000-2010.
En Libye, c’est encore plus apocalyptique. Depuis juillet 2013, des milices bloquent trois ports pétroliers de l’Est. La production de brut, qui assure 96 % des recettes d’exportation du pays, est passée de 1,5 million de barils par jour à 250 000. Manque à gagner en six mois : neuf milliards de dollars. Mardi 4 février, le Premier ministre Ali Zeidan a affirmé avoir donné l’ordre à l’armée de reprendre le contrôle de la situation. L’avenir dira si ces déclarations martiales sont suivies d’effet. Les groupes lourdement armés qui bloquent les ports réclament une autonomie accrue pour la Cyrénaïque. Et, bien sûr, un partage de la manne pétrolière. À cela il faut ajouter les groupes djihadistes qui maraudent dans le Fezzan, au Sud, et essaiment dans toute la zone.
Le Printemps arabe est devenu bien maussade.
Le Point

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