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La cour d’appel de Paris condamne Olivier Laurelli pour avoir téléchargé des documents… publics. Une décision très inquiétante.

Non, ceci n’est pas une information parodique, comme il en fleurit beaucoup sur Internet. Après avoir été relaxé en première instance, le blogueur, journaliste et hacker Olivier Laurelli (alias Bluetouff) a été condamné mercredi par la cour d’appel de Paris à 3 000 euros d’amende, pour avoir consulté et publié des documents librement accessibles sur Internet. Les fichiers, appartenant à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), avaient été mis par erreur sur un serveur accessible au public, et indexés par les moteurs de recherche dont Google. Olivier Laurelli les avait découverts à l’occasion d’une recherche sur un autre sujet, et en avait utilisé certains pour un article sur le site Reflets.info.
Blanchi pour l’accusation d’accès frauduleux, Olivier Laurelli a été condamné pour son maintien (dans le serveur de l’Anses) de manière frauduleuse, et le vol de documents. “Je suis assez curieux de savoir comment ils ont pu retenir le maintien frauduleux sans retenir l’accès frauduleux”, nous explique Olivier Laurelli, qui n’avait toujours pas pu consulter le détail de sa condamnation jeudi matin. Nous avons contacté jeudi matin le cabinet du procureur général de la cour d’appel de Paris, qui nous a transmis les motivations de l’arrêt de la cour (voir notre document ci-dessous). En substance, la cour considère qu’Olivier Laurelli était parfaitement conscient du caractère protégé des informations qu’il a téléchargées et diffusées, c’est pourquoi elle le condamne.
De son côté, Olivier Laurelli est écoeuré. “Les débats n’ont pas porté sur les points pour lesquels j’ai été condamné : nous avons essentiellement parlé d’intrusion frauduleuse !” peste-t-il. “Ce n’est pas l’idée que je me faisais de la justice, mais à force de titiller Amesys et Qosmos, voilà ce que je récolte”, risque-t-il encore. L’homme est en effet à l’origine de la divulgation d’informations sur ces deux entreprises françaises qui ont fourni des systèmes de surveillance d’Internet à des dictatures, comme le régime de Kadhafi en Libye. De quoi agacer au sommet de l’État…
Dans l’histoire, l’Anses n’a pas joué les gros bras longtemps, et pour cause : ce que les enquêteurs de la police ont pudiquement appelé “faille de sécurité” est plus probablement une énorme erreur humaine. Un bug qui a permis à Bluetouff de télécharger plus de huit giga-octets de données, dans lesquelles il n’y avait pas la moindre mention “confidentiel”. L’agence, à l’origine de la plainte, a abandonné les poursuites après la décision de première instance. “Ils étaient contents que ça n’aille pas plus loin”, s’amuse même Bluetouff. C’est le parquet qui a fait appel. Officiellement indépendant, il arrive néanmoins que des recommandations lui soient habilement transmises par le cabinet du garde des Sceaux…
Cette décision a de quoi inquiéter tous les citoyens, et en particulier les journalistes, qui pourraient eux aussi être condamnés, beaucoup plus lourdement, lorsqu’ils publient des documents dans le même but : celui d’informer. “Au-delà du verdict un peu ubuesque, cela pose vraiment un problème pour la liberté de l’information et le journalisme d’investigation”, s’inquiète Grégoire Pouget, responsable du bureau nouveaux médias de Reporters sans frontières…
Le Point

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