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L’écrivain Marek Halter revient sur « l’affaire Dieudonné ». Il estime que la frontière est mince entre les mots antisémites et les actes de haine et que notre société charche des “boucs émissaires”.

Le 6 janvier 2014, au Champ-de-Mars, à Paris. L’écrivain Marek Halter nettoie un grafti sur le Mur pour la paix.

L’antisémitisme est de nouveau à la une. Grâce à Dieudonné. Et les intellectuels, les politiques, les médias en France se déchirent à son sujet. Nous savions que les choses allaient mal et quand les choses vont mal, on cherche, comme l’a brillamment démontré René Girard, un bouc émissaire. Il faut reconnaître que nous avons, ces dernières années, cherché d’autres boucs émissaires que les Juifs pour exorciser le surplus de désarroi et de colère devant la crise qui nous accable. Ce furent d’abord les étrangers, puis les immigrés, ensuite les musulmans et enfin les Roms. Le résultat ne fut pas probant. Pour que la haine prenne, pour qu’elle se propage, il faut que nous soyons préparés à l’assumer grâce à l’éducation, à la tradition, à l’histoire et aux préjugés. Les Juifs éparpillés à travers le monde se prêtent bien au mythe d’un complot mondial responsable de tous nos malheurs. […] A dire que les Juifs, que les sionistes sont coupables de la crise, on ne risque rien. La liberté d’expression le permet. Et on peut de surcroît se faire applaudir. Alors quel est le rôle de Dieudonné ? Chaque phénomène de société a besoin d’un révélateur. Dans ce cas précis, c’est lui. Le débat qui secoue l’opinion en France dévoile au moins trois éléments : la figure même de Dieudonné, nous et, entre nous et lui, le langage. Les mots. […] Les mots sont comme des grains : pour qu’ils donnent des fruits, il faut que la terre soit bien préparée, labourée. Je pense que la nôtre l’est. Notre société permissive, décomplexée, et en même temps orpheline de ses grands espoirs laïques disparus dans des camps de travail, de rééducation ou d’extermination, est prête à suivre tous les chants des sirènes.
Combien sommes-nous encore capables, comme Ulysse, de leur résister ?
Paris Match

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