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Papier de Mohamed Sifaoui

Le 31 décembre dernier, j’avais rédigé un billet pour dire ô combien il était important, à mes yeux, non seulement de condamner l’antisémitisme, le racisme et l’homophobie de Dieudonné, mais aussi de l’empêcher, par toutes les voies légales, de diffuser la haine qui est la sienne et celle de certains de ses adeptes.

Hebergeur d'imageAujourd’hui, alors que plus personne ne peut dire “je ne savais pas” à propos des diatribes nauséeuses du gourou de la dieudosphère, il est tout aussi important de préciser que l’ex-humoriste n’est pas le seul à faire de la désignation de boucs-émissaires un fond de commerce.

Éric Zemmour est incontestablement l’un de ceux qui alimentent ce climat détestable où la xénophobie et le racisme semblent devenir des sports à la mode, voire des éléments du débat public. […]

Ce n’est pas pour rien si, insidieusement, Zemmour, nourri par une haine excessive de la gauche et de ses valeurs, défend Dieudonné au nom de la “liberté d’expression”.

En septembre 2010, je publiais un livre intitulé “Eric Zemmour, une supercherie française” dans lequel j’avais exposé les raisons qui me poussaient -et qui me poussent toujours- à croire que le discours du personnage est condamnable. Quelques voix, comme celle du fameux et fumeux Robert Ménard, alors chroniqueur à Itélé, aujourd’hui tête de liste Front National, avaient trouvé ma sortie pour le moins “scandaleuse”. Sur les réseaux sociaux, Zemmour fut soutenu, entre autres, par les relais habituels du parti d’extrême-droite. Évidemment, il est bien connu que la formation de Marine Le Pen et ses émules apportent généralement leur soutien aux antiracistes et à ceux qui défendent le “vivre ensemble”.

En réalité, comme Dieudonné qui instrumentalise l’humour pour diffuser l’antisémitisme le plus abject, Zemmour manipule quelques connaissances superficielles de l’histoire dans le but de susciter la haine contre les Français de confession ou de culture musulmane, encourager le rejet des homosexuels, mais aussi, banaliser le sexisme et l’homophobie.

À vrai dire, il faut être d’extrême-droite, ignorant, inculte, inconscient ou haineux, voire le tout en même temps puisque l’ensemble forme souvent un mélange homogène et cohérent, pour ne pas voir le caractère haineux de la rhétorique zemmourienne.

Pour ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de notre apprenti maurassien, rappelons quelques sorties de la coqueluche des xénophobes, des réactionnaires et des frustrés. Elles pourraient parfois faire rougir de jalousie Dieudonné himself.

Dans l’un de ses livres, le chroniqueur commente, entre autres le féminisme et les mariages mixtes et cite en exemple l’union de Adriana et Christian Karambeu. En toute zemmouritude, il dénonce une “sorte de couple improbable, un couple Benetton, archétype de fantasme politiquement correct du métissage”. […]

À propos des homosexuels, Éric Zemmour a déjà dévoilé, sur un plateau de télévision, sa vision de la société française en affirmant, par exemple, devant un Roger Karoutchi médusé, qui venait de faire son coming out, que “pour être moderne, il faut soit être une femme, soit être un homosexuel”. Il ajoutera quelques secondes plus tard dans la même émission : “Si en plus vous êtes arabe ou noir, c’est-à-dire la diversité, alors là vous avez le pompon.” […]

Oiseau crépusculaire pour temps d’abattement, mobilisateur des énergies défaites, nostalgique des consensus mélancoliques du pays en berne, Zemmour est aux antipodes de ceux qui ont fait la France en allant au-devant des difficultés, en s’efforçant de transcender les haines, de définir de nouveaux consensus, d’inventer de nouveaux bonheurs. […]

Il faut nécessairement rappeler que le creuset républicain ne nous incite pas à nous offusquer contre un raciste tout en nous accommodant d’un xénophobe. C’est la raison pour laquelle je pense sincèrement qu’Éric Zemmour avait toute sa place sur la courageuse Une du Nouvel Observateur, mais aussi sur toutes les Unes qui dénonceront à l’avenir ceux qui libèrent et banalisent la parole raciste et xénophobe.

“La République c’est d’abord la liberté d’expression”, s’est exclamé Zemmour dans sa dernière chronique, celle du 10 janvier, ajoutant plus loin “C’est la gauche qui a fait de la Shoah la religion suprême de la République”. Non ! Qu’on explique à Éric Zemmour que la République est construite autour d’un socle de valeurs universelles qui s’opposent à toutes les pensées et paroles extrémistes comme celles qui prétendent que la Shoah serait devenue une “religion”. Et c’est parce que la Shoah n’est pas une “religion”, mais bel et bien un crime contre l’humanité, que la République doit protéger la mémoire de ceux qui en furent les victimes.

Huffington Post

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