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Préoccupation constante des autorités de Pékin, l’endettement des collectivités locales chinoises n’en finit pas d’augmenter. Il a grimpé de 67 % depuis 2010, illustrant la difficulté pour la Chine de se défaire d’une croissance dopée à l’investissement, lui-même financé par un endettement débridé au niveau des gouvernements locaux.

Les nouveaux dirigeants chinois avaient commandé en juillet 2013 un audit qualifié d’« urgent », envoyant plus de 50 000 fonctionnaires dans les régions pour éplucher la comptabilité de 62 000 administrations.
Les conclusions, rendues publiques lundi 30 décembre 2013, font apparaître 17 890 milliards de yuans (2 100 milliards d’euros) de dette au niveau des provinces, communes, préfectures et cantons, soit 33,2 % du produit intérieur brut (PIB), dont 10 890 milliards de yuans d’emprunts directs et 7 000 milliards de dette contingente (engagements non encore réalisés), sur laquelle l’administration a une forme de responsabilité en cas de défaut. En y ajoutant la dette du gouvernement central, l’État chinois devait 30 300 milliards de yuans à la fin juin 2013, soit l’équivalent de 56,2 % du PIB de la deuxième économie mondiale.

Pour être précis, il convient de relever que, par rapport au dernier audit, dont la comptabilité s’arrêtait à la fin 2010, la Chine a ajouté les dettes d’un échelon administratif inférieur, le canton. A éléments de comparaison égaux, la dette locale progresse à un rythme plus faible bien que toujours de 35 % – mais les données précédentes ne représentaient pas fidèlement l’endettement de l’Etat chinois.
Course à l’investissement public
La course à l’investissement public est palpable à Zhenjiang (province de Jiangsu), une ville du delta du fleuve Yangzi qui compte 1,1 million d’habitants en zone urbaine et 3 millions en y ajoutant les campagnes sous sa juridiction. Dans chaque rue, des grues s’activent sur les immeubles en construction. Le nouveau stade vient d’être achevé mais n’a pas encore ouvert ses portes. Une « avenue de l’investissement » est en travaux tandis qu’un nouveau quartier, baptisé Dandong, ou « l’Orient rouge », voit le jour.
Cette débauche d’investissements se paye. Puisque le gouvernement central encadre rigoureusement la capacité d’endettement direct des municipalités auprès des banques, la ville doit recourir à au moins cinq plates-formes de financement externes. La plus grande de ces entités s’appelle Groupe d’investissement dans la construction urbaine de Zhenjiang, le nom d’une autre laisse penser qu’elle est chargée d’investir dans les eaux de la ville.
Ces cinq entreprises doivent 116 milliards de yuans (13 milliards d’euros), dont 53 milliards à court terme, mais ne gagnent directement que 645 millions par an. Pas de rentabilité mais des subventions à hauteur de 1,82 milliard de yuans annuellement.
Pour le reste, c’est la dette qui finance l’émission d’obligations et le crédit bancaire. Aucun responsable de ces plates-formes d’endettement ne s’exprime, ce qui donne une idée de la chaîne de responsabilité hiérarchique : il faudrait obtenir l’autorisation de la municipalité, qui renvoie vers le bureau local de la propagande, qui nous raccroche au nez. Les responsabilités en cas d’insolvabilité sont plus floues.

Les habitants des villages alentour constatent que l’administration locale est avide de terrains ces dernières années. La cession des terres aux promoteurs immobiliers assure un refinancement bien nécessaire.

Dans le bourg de Ge, Xie Qiumin, 54 ans, explique que la commune a d’abord commencé par saisir les champs, à partir de 2008. Le sien lui a été pris en 2010, contre indemnisation. « On ne sait pas pour combien ils ont revendu nos terres mais certainement pour beaucoup », raconte M. Xie.
Problème de répartition
Deux options sont en principe offertes aux habitants : une somme versée d’un bloc ou une rente mensuelle. « En réalité, ils contraignent tout le monde à opter pour la deuxième solution, probablement car ils n’ont pas le cash », estime cet homme, dont la maison n’a pas encore été détruite car elle date de plus de deux siècles.
Depuis l’avènement de la crise financière mondiale en 2008, la dette des gouvernements locaux est devenue le serpent de mer de l’économie chinoise. C’est par elle que les collectivités ont pu tenir les rythmes d’investissement dans les infrastructures – la construction de nouvelles routes, gares, bâtiments officiels, quartiers résidentiels –, qui ont permis à la Chine de préserver sa croissance et ses emplois.
Zhu Haibin, chef économiste de JPMorgan en Chine, juge dans une note mardi 31 décembre 2013 que la Chine n’est pas confrontée à un problème de solvabilité fiscale : « L’échelle de la dette est gérable. » Le problème vient de la répartition de cet endettement. « Certaines collectivités locales ne parviendront pas à rembourser, mais le gouvernement central n’a pas fourni de mécanisme explicite de résolution des problèmes », écrit M. Zhu.
Pékin n’a laissé personne faire défaut jusqu’à présent, évitant des scénarios similaires à celui que connaît la ville américaine de Détroit. Les banques publiques allongent les crédits, sans sanction du risque. 60 % de la dette comptabilisée dans ce nouvel audit arrive à échéance d’ici à 2015. Un niveau similaire avait été relevé dans la comptabilité de 2010, arrivant à maturation en 2013. Le tapis a depuis été déroulé.
Le Monde

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