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On en sait un peu plus sur la vision de l’Italie par Beppe Grillo, le “non-leader” du Mouvement 5 étoiles (M5S) et de son inspirateur et gourou, Gianroberto Casaleggio. Jusqu’alors la seule trace de leur pensée politique était contenue dans un livre d’entretien (Il Grillo canta sempre al tramonto, non traduit) où les deux hommes, aiguillonnés par le Prix Nobel de littérature Dario Fo, faisaient assaut de nostalgie pour l’Italie du Moyen Age et de la Renaissance et de visions futuristes d’une démocratie idéale ayant Internet pour champ d’expression.

 Autre source : le programme du M5S (salaire minimum de citoyenneté, fin du financement public pour les partis politiques, etc.), trop général pour pouvoir se prêter à une catégorisation.

Depuis les élections de février où le M5S est devenu le premier parti d’Italie, les interventions de Beppe Grillo sur son blog, le plus souvent en réaction à l’actualité, dessinent petit à petit une vision plus précise du pays, affinée encore par le récent débat sur la suppression du délit “d’immigration clandestine”, surgi suite à la mort de plus de 300 migrants au large de l’île de Lampedusa.

REPLI IDENTITAIRE À L’INTÉRIEUR DES FRONTIÈRES DE LA BOTTE

Prenant le contre-pied de deux sénateurs du M5S qui ont proposé un amendement de suppression de ce délit créé par le ministre de l’intérieur de la Ligue du Nord, Roberto Maroni en 2009,

Beppe Grillo estime qu’il s’agit “d’une invitation lancée aux migrants d’Afrique et du Moyen-Orient à s’embarquer pour l’Italie. Combien d’immigrés pouvons-nous accueillir si un Italien sur huit n’a pas les moyens de manger ?” Au passage, il ajoute, soulignant les visées électoralistes du M5S, que si le Mouvement avait inclus la suppression de cette loi dans son programme, il aurait recueilli un “score d’indicatif téléphonique”. En Italie, de 01 à 09.

Cette déclaration est loin d’être la première dans ce sens. Par le passé, l’ancien comique de Gênes est aussi intervenu dans le débat sur la “citoyenneté italienne” en refusant, comme le souhaite la ministre de l’intégration, de substituer le droit du sol au droit du sang.

Ce repli identitaire à l’intérieur des frontières de la Botte entre Italiens “de souche” va également de pair avec l’euro, la cause selon lui de tous les maux de la Péninsule, dont il propose de sortir, à la suite d’un référendum, “d’un seul clic d’ordinateur”. Il souhaite aussi supprimer la dette (130 % du PIB).

L’APPROCHE DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES 

De droite, Beppe Grillo ? On peut facilement le soupçonner si l’on ajoute que cette “préférence nationale” à l’italienne s’est accompagnée, ces derniers mois, d’attaques ciblées contre les corps intermédiaires, tels que les syndicats, les partis politiques et les institutions, ainsi que la presse.

Ce soupçon est encore renforcé quand on le voit soumettre à la “vox electronica”, la Toile, l’expulsion des élus qui ne partagent pas ses outrances. Il se confirme tout à fait, quand on se souvient que le “non-leader du non-parti” avait évoqué des “valeurs communes” avec l’officine néofasciste CasaPound Italia alors qu’il a refusé catégoriquement tout accord, même ponctuel, avec la gauche et le Parti démocrate.

A ce positionnement, masqué en partie par ses talents de comique et de tribun, s’ajoute désormais une préoccupation tactique à l’approche des élections européennes ou d’un nouveau scrutin général si la crise politique devait rebondir. Le bassin de ses premiers électeurs, venus majoritairement de la jeunesse de gauche et/ou abstentionniste, s’assèche. Selon une enquête de l’institut Demopolis sur les intentions de vote en faveur du M5S, citée par le quotidien La Stampa du 11 octobre, les sympathisants venus de gauche sont passés de 24 % à 20 % alors que ceux de droite augmentent de 22 % à 29 %.

En outre, selon Alessandra Ghisleri, du groupe Euromedia Research, 80 % des Italiens demandent que les “contrôles sur les immigrés soient renforcés”.

“SANS LE M5S EN ITALIE NOUS AURIONS NOUS AUSSI AUBE DORÉE “

Fort de ses données statistiques, Beppe Grillo a donc décidé de tomber le masque au risque de décevoir ses premiers fans, attirés vers son mouvement au nom d’une certaine générosité de l’action et de la promesse d’une “rupture” avec les mœurs politiques en vogue en Italie (corruption, “transformisme”, etc.). Alors que le parti xénophobe de la Ligue du Nord a divisé par deux son score en février et que le Peuple de la liberté, la formation de Silvio Berlusconi, est en miettes, une place est à prendre.

Il lui sera d’autant plus facile de s’y installer qu’il a semé suffisamment de petits cailloux pour attirer à lui cet électorat en déshérence tenté par la perspective du repli sur soi et des solutions faciles. “Sans le M5S, répète Beppe Grillo, en Italie nous aurions nous aussi Aube dorée.

Sur son blog, certains militants ne sont pas loin de penser que le M5S en est aujourd’hui une pâle copie.

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