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Comme Detroit, plus de 650 collectivités publiques se sont déclarées en faillite aux Etats-Unis depuis 1934, pour des raisons parfois étonnantes… Sélection.

Pour spectaculaire qu’elle soit, la faillite de Detroit n’est pas un cas isolé aux Etats-Unis. Depuis 1934 et la création d’un régime faillitaire pour les collectivités locales, près de 650 d’entre elles se sont placées sous ce statut qui leur permet de renégocier leurs créances. Un nombre qui a significativement augmenté depuis le début de la crise : selon le magazine spécialisé américain Governing, 36 entités publiques, dont 8 villes et comtés, sont déclarées en faillite depuis 2010. Investissements hasardeux, condamnations en justice, mauvaise gestion… Les situations sont plus diverses qu’on ne l’imagine. Sélection.

Orange County, pressé par la finance en 1994

Orange n’est pas une ville, mais un comté, et des plus célèbres : ses plages et son parc Disneyland font l’attractivité de ce petit bout de Californie, où se concentrent trois millions d’habitants. En 1994, cependant, la collectivité est au bord du gouffre. Quelques années plus tôt, une loi californienne adoptée par référendum ayant limité la hausse des impôts locaux, Orange a commencé à chercher l’argent ailleurs : son trésorier, Robert Citron, a accumulé les investissements financiers à haut risque. Jusqu’à ce qu’un relèvement des taux de la Banque fédérale chamboule le montage, provoquant des pertes estimées à 1,7 milliard de dollars.

Constants dans leurs anti-fiscalisme, les résidents rejettent par référendum une hausse de taxe destinée à combler les caisses du comté, qui doit alors se déclarer en faillite. L’événement marque les esprits, car Orange est alors la plus grosse collectivité à se placer sous ce statut.

Selon l’agence Associated Press, le budget du comté est alors diminué de 200 millions, plus de 1 000 emplois sont supprimés, et la collectivité doit emprunter plus d’un milliard de dollars pour rembourser ses créanciers et sortir de la banqueroute.

Le procès de Robert Citron révèlera notamment que le trésorier avait consulté un astrologue pour choisir ses investissements.

Hot Desert Spring, coulé par la justice en 2003

Nous sommes toujours en Californie, mais dans un tout autre décor : Desert Hot Springs, 25 000 habitants dans la poussière des Mojaves. Malgré ses pointes à 51°C en été, la ville connaît une croissance soutenue depuis les années 1970. Au point qu’une société locale décide en 1990 d’y développer des lotissements de mobile homes. Lorsque le projet lui est soumis, la commune refuse de lui donner son aval, et se voit poursuivre au motif qu’elle entraverait l’accès au logement des plus modestes.

En décembre 2001, après quelques années de péripéties judiciaires, Desert Hot Springs se voit contrainte de régler une addition de quelque 6 millions de dollars. La ville se place aussitôt sous le régime de la faillite. Elle en sortira en 2004, remboursant ses dettes en émettant des obligations municipales. La solvabilité future de la ville semble aujourd’hui assurée par ses bonnes prévisions démographiques. «Les promoteurs et les investisseurs se sont enfuits, déclarait la maire Yvonne Parks à la presse locale en 2008. Ils sont finalement revenus, mais ce fut difficile.»

Moffet, piégé par son racket autoroutier en 2007

A la lisière de l’Arkansas et de l’Oklahoma, Moffet et ses 128 âmes n’ont pas de quoi retenir les voyageurs qui la traversent sur la route 64. D’autant moins que les contrôles de police y sont particulièrement fréquents. Au point d’intriguer, en 2006, la justice de l’Etat : celle-ci dénonce bientôt un véritable «piège à automobilistes» et interdit à la ville de délivrer de nouvelles amendes.

Deux mois plus tard, le décès du maire met au jour un lourd endettement lié aux dépenses de l’ancien édile. Un trou impossible à combler, puisque les amendes représentaient quelque 80% du budget municipal. Début 2007, Moffett réclame à son tour la protection du régime faillitaire.

Jefferson County, noyé par ses égouts en 2011

Pour le comté le plus peuplé d’Alabama, la ruine est venue d’en dessous – plus précisément d’un réseau d’égouts défaillant. En 1996, un projet de rénovation est lancé pour mettre les installations au niveau des normes fédérales. Le coût du chantier est alors estimé à 300 millions de dollars. Mais cette somme sera multipliée par dix au gré des problèmes de construction, et surtout lorsque la crise des subprimes révèlera la fragilité des montages financiers. Le 9 novembre 2011, Jefferson se déclare en faillite, devenant le pire désastre financier pour une collectivité américaine, jusqu’à être détrôné par Detroit aujourd’hui.

A cette situation déjà difficile s’ajoute une affaire de corruption d’administrateurs locaux par la banque JP Morgan, désireuse d’emporter le marché du refinancement du comté. Punie d’une amende, la banque est en plus la principale victime du plan de sauvegarde présenté début juillet, qui fait passer la dette de Jefferson de 4,2 à 3 milliards de dollars. La situation est pire encore pour certains résidents, dont les factures d’eau figurent désormais parmi les plus élevées des Etats-Unis.

Central Falls, plombé par les retraites en 2011

Avec 19 000 habitants, Central Falls est la plus petite ville en superficie du plus petit Etat américain, le Rhode Island. Aujourd’hui intégrée dans l’agglomération de la capitale Providence, la commune a longtemps prospéré sur les nombreuses usines textiles. Mais elle a ensuite partagé son déclin au cours des dernières décennies, les fermetures d’usines et l’appauvrissement de la population tirant les recettes fiscales vers le bas.

La banqueroute est arrivée à cause des 80 milllions promis aux anciens policiers et pompiers municipaux pour leur retraite et leur assurance santé, une somme bien trop élevée pour les faibles finances de la ville.

Déclarée faillitaire en août 2011, la ville diminue son personnel et ferme des équipements publics tels qu’une bibliothèque et une maison de quartier. Elle conclut également un accord sur les retraites, pour des coupes allant jusqu’à 55% (modérées cependant grâce à une aide de l’Etat de Rhode Island). La ville est par ailleurs placée sous la supervision d’un «receveur» jusqu’au 31 décembre 2012. «La banqueroute n’est pas la maladie pour ces villes, c’est le remède», déclare celui-ci à la revue américaine Governing. Central Falls est depuis sortie de la faillite et vient de voir sa note remontée de B2 à B1 par l’agence Moody’s.

Libération

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