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Pendant des années, Antonio Sanchez a fabriqué des meubles en bois destinés aux logements construits à tout-va sur la côté andalouse, en plein boom immobilier espagnol. Désormais, chômage oblige, l’ail et l’asperge occupent toute son attention.

“J’avais ma propre entreprise pendant 35 ans, mais comme la crise m’a tout pris, je suis allé travailler aux champs”, raconte cet ancien charpentier de 58 ans à la moustache grise, qui passe désormais ses journées à racler la terre rouge de sa ville natale, Alameda, pour enlever les mauvaises herbes autour des plants d’asperges et récolter les gousses d’ail.
“Le travail est très très différent, on est dehors, avec les moustiques… Un travail très dur, ce n’est pas comme dans une usine”, reconnaît-il.
Comme beaucoup d’Espagnols, Antonio a été ruiné par l’éclatement de la bulle immobilière en 2008. Son entreprise a fait faillite trois ans plus tard.
Le programme social lancé cette année par la mairie d’Alameda, pour un budget de 60.000 euros, aura été sa planche de salut : 16 hectares de terre loués par la municipalité, sur lesquels travaillent 35 chômeurs, payés pour cultiver de l’ail, des asperges et des melons, qui seront vendus.

Avec la chaleur de l’été, l’heure est à la récolte, synonyme de plusieurs semaines de travail rémunéré pour ces demandeurs d’emploi, sélectionnés par tirage au sort.
Une initiative bienvenue dans une région, l’Andalousie, qui est la plus peuplée d’Espagne… mais aussi la plus touchée par le chômage. Rien que dans la province de Malaga, dont fait partie Alameda, le taux approche les 37%, bien au-dessus de la moyenne nationale, déjà élevée (27%).
“Ce que nous essayons de faire, c’est de mettre en valeur les ressources dont nous disposons, et notre première ressource, c’est la terre agricole”, explique le maire Juan Lorenzo Pineda, du parti de gauche Izquierda Unida, espérant que le projet donne du travail à de plus en plus de chômeurs à l’avenir.
Retour aux villages

“Avant le boom immobilier, l’agriculture était une ressource importante ici, mais cela été d’une certaine manière abandonné car les gens ont misé sur la construction. Maintenant que la construction s’est effondrée, il faut retrouver cette ressource”, dit-il.

Ce retour au pays est un phénomène qui prend de l’ampleur, alors que l’Espagne est plongée en récession depuis bientôt deux ans.
“L’Espagne est un pays très agricole, donc les circonstances ont facilité le retour au village”, commente Sandalio Gomez, spécialiste du marché du travail à l’IESE Business School de Madrid.
“L’argent des indemnités de licenciement et même des allocations chômage a été utilisé, dans de nombreux cas, pour créer un petit potager et retrouver ce contact avec le milieu rural et agricole”, dit-il, saluant l’initiative d’Alameda comme “une bonne idée pour aider les gens à revenir à l’agriculture”.
Ce genre de projets “sont de plus en plus nombreux. C’est une bonne solution, qu’il faudrait encourager”.
“Beaucoup de gens sont revenus aux villages”, renchérit Lorenzo Ramos, secrétaire général de l’Union des petits agriculteurs, “mais cela ne veut pas dire que le secteur agricole crée de l’emploi”.
“Les agriculteurs ne s’en sortent pas, à cause des prix bas des produits”, rappelle-t-il.

Les initiatives pour employer des chômeurs dans les champs, “dans la situation difficile que nous vivons, c’est une alternative”, et “cela pourrait être une manière de faire vivre beaucoup de gens”.

Antonio Sanchez est ainsi payé 45 euros par jour pour son travail, pour une durée initiale de deux semaines, qu’il espère prolonger. Après la récolte, il retrouvera ses 800 euros mensuels d’allocation chômage.
Mais le bénéfice, selon lui, va au-delà: “Cela fait plaisir de travailler à quelque chose, de ne pas être inactif”, et “psychologiquement, c’est très important, cela donne envie de se battre un peu”.
Dh.be

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