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Tribune d’Alain Bentolila, professeur de linguistique, université Paris- Descartes, sur ce qu’est devenu le bac. Un bilan très sévère.
Il y a une trentaine d’années, face à la montée d’un échec scolaire qu’ils s’étaient montrés incapables d’endiguer, les responsables politiques ont sorti leur baguette magique pour décréter que, dans les délais les plus brefs et sans changer grand-chose, ils allaient démocratiser l’école. Ces illusionnistes maquillèrent donc la massification de l’école pour lui donner une façade démocratique et décidèrent qu’il fallait que l’on atteignît à marche forcée 80 % de réussite au baccalauréat. Ainsi notre école put-elle démontrer aux yeux du monde son efficacité et son équité.

Mais comment réussir ce tour de passe-passe alors qu’année après année une partie de plus en plus importante des élèves avaient du mal à lire et encore plus de mal à écrire ?

Aucun problème ! Pour que la majorité pût franchir l’obstacle, il fut décidé d’ajuster la hauteur de la barre à la faible détente des élèves. On trafiqua donc progressivement les examens : après la suppression de l’examen de 6evint le tour du BEPC ; et après le BEPC, on dilua le baccalauréat dans un incompréhensible fouillis d’options qui n’avaient pour point commun que d’exhiber le vocable «baccalauréat» dans leurs intitulés respectifs. Et bien sûr, année après année, on diminua les exigences du bac pour en arriver à cette parodie d’examen auxquels seuls certains candidats et leurs parents anxieux semblent encore croire : ils déchanteront vite en s’apercevant du peu d’impact que ce diplôme a sur le destin professionnel des lauréats. […]

Ceux qui payent cher la note de cette manipulation sont les élèves et leurs parents que l’on continue à tromper sur la qualité et la durabilité des connaissances et surtout sur les capacités d’analyse et de raisonnement des bacheliers, seule condition d’une réussite possible dans l’enseignement supérieur.

Car après un baccalauréat «soldé», les lauréats sont autorisés à franchir la porte de nos universités. Mes étudiants français de licence de linguistique sont, pour un quart environ, incapables de mettre en mots leur pensée de façon cohérente et explicite. Que vaut alors la volonté de donner plus d’autonomie aux universités pour les mener vers l’excellence, si certains des étudiants qui entrent dans l’enseignement supérieur restent de médiocres lecteurs, de piètres scripteurs et se révèlent d’une navrante maladresse lorsqu’ils ont à expliquer et à argumenter ? […] Libération

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