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En 2012, le Nord a enregistré 96 dépôts de plainte de pompiers dans l’exercice de leurs fonctions, pour des faits allant de l’insulte ou le crachat à l’agression. Les agressions de pompiers progressent « de manière linéaire, mais pas exponentielle ».

Dans la métropole lilloise, tout commence en 1993, lorsque Rachid Ardjouni, 17 ans, est tué par un policier à Wattrelos. Les quartiers s’embrasent et les pompiers, assimilés aux forces de l’ordre, deviennent les cibles de la colère des émeutiers. Même phénomène lors des émeutes de 2005. De nombreux pompiers témoignent, au quotidien, du manque de respect, parfois pire, dont ils sont victimes.

Avant, être pompier, c’était sacré. Aujourd’hui, vous partez pour un feu de voiture et ils cachent des bouteilles de gaz dedans, pour que ça nous explose à la figure. 

Rémi Bourgois, à la tête des pompiers de Roubaix depuis seulement deux mois, a déjà connu « trois cas de personnels agressés en intervention. C’est dur de se faire agresser alors qu’on sauve la personne », ajoute-t-il.

 « On est de plus en plus la cible des jeunes. Ça se traduit par des boules de pétanque lancées, on ne sait jamais où elles tombent. On a déjà reçu des pots de mayonnaise, des machines à laver… »

Face à cette évolution, les pompiers s’adaptent. « On ne met pas les pieds n’importe où, indique le commandant Bonvin. On fait en sorte d’éviter les culs-de-sac, les traquenards, pour que le personnel ne se fasse pas piéger. »

Le 18 mai, à Armentières, les pompiers sont appelés pour une défenestration. Sur place, ils délivrent les premiers secours à la victime, qui se réveille et… donne un coup de poing à l’un d’eux.

Plus tard, un autre pompier sera blessé d’un coup de ciseaux au biceps, qui lui a valu deux semaines d’arrêt de travail.

Sur place, les pompiers se protègent : depuis quatre ans, il est possible de laisser tourner le moteur des véhicules ambulances sans devoir laisser les clefs. Afin qu’ils ne soient pas dérobés. Et les vitres des fourgons sont protégées par un film, afin que les caillassages ne les fassent pas voler en éclats.

Pour le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des quartiers sensibles, la violence à l’égard des sapeurs-pompiers n’est pas nouvelle, mais elle signe une société à la fois individualiste et obsédée par le rendement.

« C’est un phénomène que l’on observe depuis les années soixante-dix et c’est l’une des innombrables conséquences de la ghettoïsation. Il y a une assimilation des pompiers aux forces de l’ordre. Quand ils éteignent une voiture qui brûle, c’est vécu comme une extinction de la contestation. »

« Il faut développer le travail de prévention, intervenir dans les quartiers chauds au-delà du contexte de l’intervention. Pompiers, faites-vous connaître, faîtes connaître votre métier. Le plus facile, et certains le font déjà, est d’ouvrir les casernes, travailler avec les écoles, les centres sociaux. C’est le meilleur moyen de ne pas être réduit à un gyrophare et un uniforme. »

Lavoixdunord.fr

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