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L’association Energie Partagée (1) a publié un guide de recommandations afin d’aider les communautés locales à construire un projet citoyen d’énergies renouvelables. Trop souvent, les projets ENR importants proviennent de l’extérieur et dépossèdent les régions d’un savoir-faire qu’elles pourraient s’approprier.

L’aide est globale puisque l’intervention d’Energie Partagée intervient à toutes les étapes d’un projet. De la concertation préalable avec les acteurs locaux, les collectivités et les citoyens, permettant de créer une réflexion sur l’énergie. A la définition d’une stratégie de montage d’un projet, en passant par la construction de partenariats, ou par l’organisation juridique et financière d’une société d’exploitation.

Les quatre points d’un projet citoyen selon la charte d’Energie Partagée sont :

  1. L’ancrage local avec les acteurs locaux
  2. La finalité non spéculative
  3. La gouvernance ouverte, démocratique et transparente
  4. Le respect de l’Homme et de l’environnement

La transition énergétique par les territoires

Plusieurs exemples européens sont cités, car les bonnes pratiques dont on pourrait commencer par s’inspirer sont légions dans d’autres pays. A commencer par l’Allemagne (2) en chef de file des énergies renouvelables en Europe (3) dont le nombre de coopératives citoyennes pour les ENR est passé de 150 à plus de 600. Où 51 % de la puissance éolienne installée est détenue par les citoyens (4).

Un autre exemple intéressant est le Danemark où 100 000 familles sont actionnaires d’un parc éolien.

Energy Cities (5) a aussi compilé toutes sortes d’expériences dans nombre de villes européennes, s’articulant autour des points essentiels afin de décentraliser la production d’énergie. Comme renforcer les capacités d’action locale ou connaître les ressources et les flux de son territoire.

Plus près de nous, c’est la régie communale de Montdidier qui force l’admiration pour une ville de 6 500 habitants, qui a créé il y a déjà dix ans un “conseil d’orientation énergétique” pour avoir son propre modèle énergétique.

Les différents étapes d’un projet citoyen

Pour passer du rêve à la réalité, il y a de nombreuses étapes à franchir. La première d’entre elles étant de créer un “groupe moteur” de pilotage qui aura pour mission de définir les objectifs du projet, et surtout de tenir dans le temps (6).

Ce noyau dur est le pendant de l’indispensable mobilisation citoyenne à impulser autour du projet. Il se constitue généralement sous forme associative ou coopérative. Il pilote le projet en assurant le lien entre les collectivités locales, les opérateurs privés et les habitants impliqués.

Ensuite, il y a toutes les étapes à valider une par une. Le projet en lui-même, en commençant déjà par se poser la question de: qu’est-ce qu’on va faire? Et puis la recherche du site, l’étude de la faisabilité et de sa viabilité économique. Le dépôt des demandes, pour ne pas dire le maquis administratif, ou l’obstruction organisée du développement des ENR. La construction et la mise en service. Quand on arrive à cette étape, on peut se dire que c’est gagné. En fait, c’est un genre de très très long jeu de l’oie…

Méthodologie et financement

La définition d’un cahier des charges précis est le préalable indispensable au montage du projet. Ensuite il faut construire un plan d’affaires prévisionnel incluant des partenariats. Sachant que tout au long de l’avancement ce plan devra être corrigé en fonction de l’avancement de l’étude. Et en fonction de sa durée prévisible, la réglementation peut elle aussi changer.

Energie Partagée nous donne quelques exemples de statuts à adopter qui vont dans le sens d’un projet solidaire et non spéculatif. On est bien dans le cadre de l’économie sociale et solidaire (ESS), on retrouve donc logiquement les structures adoptées dans l’ESS.

  • La SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) où chaque associé dispose d’un voix, quel que soit le montant du capital détenu. C’est le bien connu “un homme, une voix”.
  • La SEM (Société d’Economie Mixte) où la participation des collectivités publiques est comprise entre 51 et 85 %.
  • La SAS (Société par Actions Simplifiées) étant un régime d’une grande souplesse qui peut inclure aussi bien des personnes morales que physiques dans le capital.

Pour l’aspect financement, nous sommes dans l’attente dans les prochaines semaines d’un plan d’investissement gouvernemental qui doit inclure la question de la transition énergétique. La démarche est à apprécier, car tout est bon à prendre, mais cela paraît un peu précipité à quelques mois de la loi de programmation sur la transition énergétique. La pression médiatique et des sondages doivent y être pour quelque chose. Mais dans la mesure où la question de l’argent se faisait attendre pour financer cette transition, ce sera un début de réponse.

Nous attendons aussi de savoir si nous allons pouvoir disposer d’instruments financiers nouveaux (7) , car il va bien falloir un jour aborder l’aspect concret du financement de la transition énergétique.

En attendant, que peut-on faire ?

Pour les particuliers :

  • Devenir associé ou actionnaire d’une société de projet.
  • Créer ou rejoindre un club d’investisseurs dans le cadre d’une communication restreinte.
  • Créer ou rejoindre une SCIC ou une association.

Pour les collectivités :

  • Créer ou devenir associé d’une SCIC
  • Créer une SEM

Notons que la participation des citoyens et des collectivités locales sera généralement considérée (8) comme un “appel public à l’épargne” et soumis à ce titre à l’obtention d’un visa de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Procédure qui vise à protéger les petits épargnants mais qui ralentira d’autant le processus. Ce n’est pas un 400 m haies, mais un 400 000 m haies.

Les freins actuels au développement des ENR dans les régions

Ils sont nombreux, structurels, organisationnels et politiques. A commencer par la loi de 1946 qui dépossède les régions d’un véritable pouvoir décisionnel autonome. L’Association des Régions de France (ARF) en a énuméré certains devant le Sénat comme le coût des installations ou les freins réglementaires (raccordement, installations). Elle cite également le retard dans la formation des installateurs et des professionnels. C’est aussi un grand chantier qui est constamment passé sous silence et dont il faudra parler, car sans personnel qualifié et en nombre suffisant, même avec l’argent nécessaire, pas de transition énergétique possible.

Réseau Action Climat (RAC) a publié une étude détaillée avec “Quelle gouvernance territoriale pour la transition énergétique” qui fait état de l’éparpillement des compétences entre les différents échelons locaux et qui rend pour le moins complexe la définition et la mise en oeuvre d’une politique climat-énergie cohérente. On appelle aussi cela “Diviser pour mieux régner”.

En conclusion, le rapport souligne le fait que la majorité des pouvoirs et moyens d’action relatifs à l’énergie et au climat est concentrée au niveau de l’État, et pour la distribution de l’énergie, au sein des opérateurs historiques…

Selon Marc Jedlizcka, porte-parole de négaWatt, et Didier Lenoir Vice-Président du CLER, ce système centralisé prive les collectivités territoriales et les citoyens de toute responsabilité significative dans l’organisation des services publics consacrés à l’énergie, en particulier pour la distribution et la production locales…

Pourtant, de plus en plus de collectivités souhaitent agir et s’engagent dans des Plans Climat-Énergie Territoriaux ou équivalent. Plusieurs développent, parfois dans la douleur, des initiatives innovantes : flotte de bus alimentée par les déchets à Lille, sociétés de tiers-financement de la rénovation énergétique (SPL OSER en Rhône-Alpes, SEM Énergies POSIT’IF en Île-de-France…), fonds énergie-climat alimenté par des CEE à Besançon, Atelier Climat à Nantes Métropole…

Il est temps de disposer d’un cadre qui facilite le développement de politiques climat-énergie ambitieuses au lieu de le freiner.

Un pan entier et préalable de la prochaine loi de programmation sur la transition énergétique devra donc préciser clairement quelle est l’évolution de la réglementation par rapport aux régions.

Il ne peut y avoir de transition sans décentralisation énergétique.

L’éléphant gouvernemental accouchera t-il d’une souris énergétique? Réponse à l’automne.

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Notes :

1) Energie Partagée est un mouvement national composé de nombreux partenaires locaux et réseaux spécialisés, comme le CLER, l’Alliance, Taranis, TEPOS, etc.

(2) Il faut quand même rappeler que l’Allemagne est aussi le plus gros pollueur en Europe, et que l’action du gouvernement a été de décider la création de 23 centrales au charbon, afin de pallier à la baisse prochaine de production du parc nucléaire. Voir l’article de Jean Syrota (et même si l’auteur a dirigé la COGEMA/Nucléaire pendant plus de 10 ans), Etienne Beeker, “Transition énergétique: le contre-modèle allemand”, Les Echos, 6/5/2013.

(3) Les pays européens les plus vertueux en matière d’énergie renouvelable sont d’abord l’Islande (100 % d’ENR avec la géothermie et l’hydroélectricité), et ensuite le Danemark qui a eu la riche idée de convertir son modèle énergétique au lendemain du 1er choc pétrolier en 1973 !

(4) Les länder allemands (l’équivalent des régions) ont quand même une autonomie décisionnelle autrement plus importante qu’en France. Notamment en matière de transports.

(5) Energy Cities est un réseau européen de 27 pays + 11 pays d’Europe de l’Est, du Caucase et d’Asie centrale. Soit 4 500 villes qui oeuvrent pour une transition énergétique en actes.

(6) Avec la complexité administrative actuelle, pour passer de la faisabilité à la production concrète avec un éolienne de grande dimension, le projet peut prendre de 5 à 8 ans…

(7) La fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme donne des pistes dans les “Cahiers d’acteurs” du DNTE

(8) Sauf “investisseurs qualifiés” ou moins de 100 personnes.

Transition-Energie.com

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