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En 1990, Margaret Thatcher fut évincée du leadership du Parti Conservateur britannique. La Dame de Fer, dont le poster orne les toilettes pour hommes de tout Parti Libéral qui se respecte, mit sa considérable intelligence et son pragmatisme réputé au service du privé.

L’industrie du tabac vivait des heures difficiles. Les campagnes de santé publique commençaient à faire effet dans les pays Occidentaux, et Big Tobacco, qui tue chaque année deux pour cent de sa clientèle, voyait d’un œil inquiet les jeunes commencer à se détourner de la cigarette. Qu’à cela ne tienne. Maggie était là, et fut engagée par Philip Morris comme VRP de luxe dans les pays de l’Est et du Tiers-Monde, là où la jeunesse, mal informée, pouvait encore rêver du cow-boy Marlboro sans savoir qu’au moment même, après avoir témoigné en faveur d’une législation anti-tabac, celui-ci mourait d’un cancer du poumon à 52 ans.

Pour la somme coquette de 1 million de dollars par an, l’ancienne première ministre britannique mit sa notoriété et son carnet d’adresses au service de cette noble cause humanitaire. Les temps étaient durs, cependant, et 1 million de dollars par an, pour celle qui avait imposé l’austérité et la schlague aux plus faibles pendant des années, c’était un peu juste.

Aussi la City accueillit-elle avec enthousiasme quelques années plus tard la grande nouvelle.

En 1998, celle qui avait libéralisé les services financiers, remplaçant la vieille économie industrielle basée sur la fabrication de produits manufacturés par la manipulation d’argent virtuel, fut engagée au Conseil d’Administration de Tiger Management, le deuxième fonds d’investissement mondial. Créé dix-huit ans auparavant avec un investissement initial de 18 millions de dollars par Julian Robertson, « le Magicien de Wall Street », Tiger Management valait au moment de l’arrivée de Margaret Thatcher 18 milliards de dollars. Pour un million de dollars ( de plus) par an, Maggie assisterait à cinq conseils d’administration annuels, et partagerait quelques conversations téléphoniques avec Robertson sur la situation des marchés mondiaux « utilisant sa perspicacité politique et son expérience pour l’aider dans ses décisions d’investissement ».

Les dividendes de cette judicieuse embauche ne se firent pas attendre longtemps.

Cinq mois plus tard Tiger Management perdait 2 milliards de dollars en une seule journée après avoir spéculé sur une chute du yen japonais. D’investissement foireux en investissement foireux, les pertes pour le seul mois d’Octobre 1998 se montaient à 3,4 milliards de dollars.

Qu’importe. Au gala annuel de Tiger Management, Robertson et Thatcher menèrent le bal et furent très applaudis. The Times  rapportait le lendemain que Tiger Management n’était aucunement en danger.

Un an plus tard,  en Octobre 1999, le fonds d’investissement avait perdu près de deux tiers de sa valeur, et culminait à 6 milliards de dollars. Les investisseurs paniquèrent. Le 1er Avril 2000, Tiger Management fit faillite. L’histoire ne dit pas si Maggie empocha un bonus pour sa participation à ce naufrage financier.

Cette anecdote est racontée dans un excellent livre de Francis Wheen : How mumbo-jumbo conquered the world (a short history of modern delusions)

Malheureusement indisponible en français, ce livre, dès 2004, dénonçait les mensonges de l’idéologie néolibérale et le désastre auquel elle avait mené l’économie anglo-saxonne. « Mumbo-jumbo » est un terme intraduisible, qui signifie à peu près « charabia ». « Comment le charabia néolibéral a conquis le Monde » décrypte et explose les fantasmes libéraux de Hayek, Thatcher, Reagan et consorts.

Diffusez cette anecdote, mais n’imaginez pas une seconde être crus par les dévots de la secte libérale. Comme les staliniens avant eux, leur foi dans le dogme ne pourra être remise en cause qu’après l’effondrement de leur village Potemkine. Et encore… Pour en rester à Maggie, j’ai beau chercher, mais je ne me souviens pas avoir rencontré un seul de ses zélateurs qui aie possédé à  la fois un minimum d’humanité et un cerveau en état de marche. Même constatation avec Nicolas Sarkozy ( qui en 2007 rêvait d’importer les sub-primes en France), dont j’attends avec impatience qu’il monte un fonds d’investissement avec Alain Minc. A mon avis, on a jusqu’à présent raté une belle occasion de rigoler…

EN ATTENDANT H5N1

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