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Un docteur en droit consulté par les élus souligne, dans un document confidentiel, le risque d’inconstitutionnalité de la loi.

MARIAGE « Chez nous, ça ne se passera pas de la même façon ! », prédit un sénateur. Traduire : la Haute Assemblée va examiner la loi instituant le mariage pour tous avec un oeil plus acéré que ne l’ont fait les députés. Alors que la commission des lois entame, ce mercredi, l’examen des amendements, la tension gagne le Palais Bourbon. Une note confidentielle, produite à la demande du groupe socialiste du Sénat, que révèle Le Figaro, alerte en effet les élus de la majorité sur le risque d’inconstitutionnalité du texte tel qu’il est actuellement rédigé. Cette note n’a été actuellement lue que par une poignée de décideurs au Sénat, mais ceux-ci savent que les débats qui débutent le 4 avril prochain n’échapperont pas à la polémique.

En quatre pages didactiques, le docteur en droit sollicité par le groupe explique pourquoi il estime « sérieux » le danger de voir ce projet phare pour le gouvernement retoqué par les membres du Conseil constitutionnel.

La démonstration d’Hubert Lesaffre, conseiller aux lois, repose sur la question de l’adoption plénière, qui vient percuter le droit de la filiation.
« Il est invoqué le fait que le législateur aurait dû modifier le droit de la filiation et de l’adoption, et qu’il ne pouvait se contenter de n’en traiter qu’incidemment », explique-t-il. En effet, bien que la volonté de permettre aux couples de même sexe désormais mariés de pouvoir recourir à l’adoption plénière soit clairement affichée dans l’exposé du texte, celle-ci n’est pas clairement déclinée dans un article dédié.
Or, contrairement à l’adoption simple, l’adoption plénière modifie l’état civil, et donc la filiation de l’enfant. « Dans le cas d’une adoption simple, un enfant peut avoir un père biologique et un père adoptant ou une mère biologique et une mère d’adoption. Mais dans le cadre de l’adoption plénière pour des couples de même sexe, on ne sait pas bien ce qu’il advient des parents biologiques », détaille un magistrat.
« Ce grief me paraît quand même sérieux, souligne encore l’auteur de la note, et a été évoqué par plusieurs juristes devant la commission des lois de l’Assemblée », rappelle-t-il aux sénateurs. De fait, le projet de loi du gouvernement agite la communauté des juristes de tout bord, tant il bouscule, sans l’avouer, le socle du droit de la famille. Derrière la question, en apparence technique, de l’ouverture de l’adoption plénière aux couples de même sexe sont en réalité en jeu tous les fondements de la filiation. Les défenseurs d’une filiation par la volonté veulent ici l’emporter sur ceux qui tiennent encore à la primauté de la biologie…
« Un texte bâclé »

« C’est un texte bâclé qui arrive chez nous, se plaint un sénateur de la commission des lois, dont les véritables enjeux n’ont pas été traités. »

« La Chancellerie le sait parfaitement, mais ne veut pas bouger, pour une question politique », s’inquiète un conseiller. Sans l’adoption plénière, pas de véritable filiation : le nouveau mariage pour tous ressemblerait alors en effet de près à « l’union civile » défendue par la droite… une forme de pacs rénové, offrant essentiellement de nouvelles possibilités de transmissions et d’héritage, trop loin, pour Christiane Taubira, de la revendication d’égalité des lobbys homosexuels.
La garde des Sceaux risque de ne pas emporter au Sénat la même adhésion qu’à l’Assemblée nationale. Déjà, au PS, on compte une par une les voix qui pourraient compenser celles qui feront, on le craint déjà, défaut au sein de la majorité sénatoriale.
Si le texte n’était toutefois pas remanié, que décideraient, in fine, les membres du Conseil constitutionnel ? Ils « seront gênés par l’adoption plénière », estime l’auteur de la note, et ceci, « pour des raisons moins politiques que liées à leur propre vision de la filiation ». Dans un dernier paragraphe intitulé « Opinion purement subjective et personnelle », le juriste prédit quelques ennuis. Les Sages pourraient alors, selon lui, chercher le compromis pour ne pas jeter l’ensemble du texte à la poubelle, mais censurer malgré tout la possibilité d’une adoption plénière… Précisément ce que veut éviter la ministre de la Justice.

Le Figaro (version papier)

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