Fdesouche
À San Francisco, la « guérilla des greffeurs », une organisation secrète, fait fi des réglementations municipales et greffe des branches portant des fruits comestibles sur des arbres d’ornement publics non fruitiers, camouflant ces produits du verger dans un environnement urbain.

Les autorités ont banni les arbres fruitiers des trottoirs de la ville dans l’espoir de maintenir la propreté des espaces urbains et d’éviter les problèmes en cas de chute d’un fruit. Pourtant, Tara Hui et Miriam Goldberg ont trouvé un moyen de contourner la loi. Les deux femmes sont à la tête de Guerrilla Grafters, un collectif qui veut « mettre à la disposition des citadins des fruits nutritifs et savoureux », via la création de vergers en centre-ville.

Une guérilla des greffeurs amène une nouvelle pierre à l’édifice de la réappropriation et de la transformation des espaces publics en lieux nourriciers. En effet quoi de plus simple que la greffe (incrustation, couronne, fente, anglaise) pour transformer un arbre ou arbuste peu intéressant (enfin joli une semaine par an, lors de la floraison) en un fruitier productif au coeur de la cité.

Se servant de ruban isolant pour coder le travail par couleurs, Guerrilla Grafters développe des partenariats dans chaque quartier dans lequel il réalise des greffes pour qu’il y ait quelqu’un sur place qui suive les progrès. D’après Tara Hui, « il n’est pas question de s’approprier ces arbres. C’est juste de l’intendance. »

Bien que les autorités municipales désapprouvent ces greffes, elles n’ont rien fait pour les retirer officiellement. Cette initiative est toutefois considérée comme du vandalisme, et si ce projet devait un jour prendre de l’ampleur, il est possible que les autorités se décident finalement à intervenir et à y mettre un terme.
D’autres, en revanche, sont impressionnés par leurs efforts. Leur travail a ainsi été présenté à l’exposition « Interventions spontanées: concevoir des actions pour le bien commun » à la 13e biennale internationale d’architecture de Venise.
Le collectif (qui rassemble une trentaine de personnes) a greffé près de 50 arbres jusqu’à présent. Peut-être cela restera-t-il toujours un projet à petite échelle, mais Guerrilla Grafters cherche à atteindre le plus grand nombre possible. Ils ont notamment développé une application de cartographie en ligne pour faciliter le suivi de leur production illégale et ont un groupe Facebook actif pour contribuer à accroître leur popularité.
J’ai véritablement découvert la greffe comme un moyen simple, rapide et efficace pour « comestibiliser » un territoire, surtout sauvage, grâce à l’excellentissime ouvrage de Maurice Chaudière « La forêt fruitière ». Ce génie du greffoir nous apprend comment transformer garrigues, maquis et autres friches en espaces d’abondance fruitière.
Mais ce qui peut se réaliser à l’état naturel peut se faire en territoire urbain de la même façon (avec les représailles en plus). Quelques petits exemples de ce qui peut se greffer sur nos « jolis » arbres d’ornements urbains :
– Poirier ‘chantecler’ : n’importe quel poirier, cognassier. Bon ce poirier d’ornement est déjà greffé (sur du Pajam), ca vous en fera plusieurs…
– Prunus cerasifera ‘pissardi’, vous savez le truc rouge? : n’importe quelles espèces du genre « prunus » : prunier (prunus domestica) dont mirabelle, abricotier (prunus armeniaca), pêcher (prunus persica).
– Pommier d’ornement : ces petits pommiers extrêmement florifères (certains sont utilisés comme pollinisateurs dans des vergers de pommier, au québec notamment) font de petites pommes décoratives l’hiver, absolument immangeables : n’importe quelle variété de pomme.
– L’aubépine d’ornement : version rouge ou blanche : tout ce qui est poirier, cognassier, néflier.
– Cerisier du Japon : ces magnifiques floraisons abondantes et romantiques ne dure qu’une semaine par an. Bon, et les 51 autres semaines?? => tous les cerisiers sont greffables dessus.
La liste n’est pas exhaustive et je compléterais avec plaisir si des amis greffeurs me donnent d’autres informations ou erratums.
Puisqu’un élément doit avoir plusieurs fonctions, il est temps d’aiguiser techniques, savoirs et couteaux et de partir en croisade contre le diktat du « c’est beau pi c’est tout ». Si les espaces publics sont à tout le monde, reprenons le pouvoir sur nos rares espaces urbains encore existant! Car des espaces nourriciers et beaux peuvent naître partout, même et surtout au cœur de l’improbable grisaille urbaine.
Prise 2 Terre

Fdesouche sur les réseaux sociaux