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Par Olivier Berruyer

Peer Steinbrück est le chef du parti socialiste en Allemagne, le SPD. Comme vous le savez, il y aura des élections législatives en Allemagne en septembre. Il est entré en campagne l’été dernier. Un des axes majeurs de sa campagne (qui ne marche que moyennement) est la lutte contre la finance débridée. Il n’a pas lancé de slogans du genre “mon ennemi, c’est la finance”, mais il a bossé. Beaucoup.

Du coup, son programme ne fait pas 5 phrases générales, voire malhonnêtement ambiguës, comme certains :

[p. 10] Je veux mettre les banques au service de l’économie.
Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives.J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Il sera mis fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie. Je supprimerai les stock-options, sauf pour les entreprises naissantes, et j’encadrerai les bonus. Je taxerai les bénéfices des banques en augmentant leur imposition de 15 %. Je proposerai la création d’une taxe sur toutes les transactions financières ainsi que d’une agence publique européenne de notation.

Vous noterez que strictement rien n’a été fait dans la loi bancaire. Même pas le premier point, qui a été vidé de son sens en ne considérant que “la spéculation de la banque avec son argent“, quine représente rien. C’était une promesse vide, très différente du discours du Bourget : “Maîtriser la finance commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives.

Vous savez que je dénonce souvent la politique parasitaire et suicidaire que l’Allemagne a mené avec les lois Hartz en baissant ses salaires.

En revanche, j’admire beaucoup de choses dans ce pays. À commencer par le fait qu’il a inventé la forme de capitalisme tempéré qui doit pouvoir marcher (avec quelques adaptations), “le modèle rhénan”, cher à Michel Albert. Mais qui est en train de succomber sous les assauts du capitalisme anglo-saxon, court-termiste.

J’ajouterais une rigueur publique et un sens moral et démocratique plus vivace que chez nous. D’ailleurs, l’Allemagne de Merkel reste le principal pays demandant réellement plus de régulation financière.

Bref, quand le chef de l’opposition s’engage là-bas, “c’est du sérieux” – il n’y a qu’à comparer… Car oui, c’est possible – il a eu la délicatesse (comme beaucoup de sites de ministères allemands) de traduire en français son (dense) programme de réforme financière  “Regagner la confiance” .

dont ce florilège :

Attribuer la faute à une seule partie est trop réducteur, cela ne fait aucun doute.Le monde politique devra admettre que certains abus ou dévoiements sont surtout la conséquence de son action conjointe avec les banques ou de signaux d’encouragement erronés adressés aux banques. C’est le cas de l’idéologie de la dérégulation, de la politique de «l’argent pas cher», du soutien apporté par les politiques économiques à un boom immobilier effréné, comme en Espagne, ou du soutien à l’accès à la propriété en guise de correction par la politique fiscale des différences croissantes de répartition des revenus, comme aux États-Unis. […]

C’est l’abrogation du principe constitutif essentiel d’une économie (sociale) de marché économie marché: la responsabilité et le risque ne vont plus de pair, la : privatisation des bénéfices s’accompagne de la collectivisation des pertes. […]

Pendant ce temps, la lutte contre les causes systémiques de marchés financiers insuffisamment régulés et d’un système bancaire un fragile reste au second plan. […]

Cette crise a coûté bien plus que de l’argent.Pour beaucoup de citoyens, elle a porté atteinte aux principes de justice et au sens de la mesure.Ils se détournent de la politique car ils ont l’impression qu’elle n’est plus que contrainte et prête à céder au est chantage.Redonner à la politique sa force de conception, ce n’est donc pas la tentative de donner l’apparence de la puissance politique, mais apparence c’est l’expression d’une nécessité de légitimation, afin de créer ce qui le préalable essentiel de la politique: la confiance.Cette confiance a été perdue dans la foulée de la crise financière, parce que les gens ne croient pas que la politique puisse changer quelque chose. […]

Nous savons depuis quatre ans que les modèles économiques largement dérégulés peuvent mettre en danger la démocratie et l’économie de marché. […]

Les activités pour compte propre doivent être limitées à l’avenir, le risque et la responsabilité doivent être à nouveau réunis, au moyen de la séparation entre à activités bancaires de dépôt et activités bancaires d’investissement, de manière à augmenter la résilience des banques individuellement et du système financier dans son ensemble. […]

L’augmentation de la part des fonds propres pour les banques systémiques, que le gouvernement fédéral présente comme la solution, ne fait que placer des garde-fous plus élevés, sans s’attaquer aux causes du problème. Seules l’interdiction des opérations pour compte propre spéculatives et une séparation des secteurs d’activités réduisent réellement les risques et vont directement au coeur du problème. […]

C’est pourquoi il est nécessaire, dans une deuxième étape de séparation concernant ces banques, que les activités de dépôt et de crédit soient protégées de la zone grise des opérations des banques d’investissement. […]

Le modèle de holding de l’OCDE offre une solution permettant de mettre en oeuvre pratiquement la séparation des secteurs d’activités.Selon ce modèle, les activités de crédit et de dépôt, la banque d’investissement et les autres secteurs d’opérations sont menés dans une société holding par des filiales juridiquement et économiquement autonomes, et possédant une licence bancaire. […]

La séparation des secteurs d’activités au niveau même de leur organisation activités permet d’accroître la transparence: les risques sont rendus apparents là où ils naissent et la couverture des risques se fait là où les bénéfices découlant de ces risques sont encaissés.Cette séparation augmente aussi la stabilité des banques: si un secteur d’activités à risque enregistre de fortes pertes, les dégâts activités restent cantonnés à ce seul secteur.On empêche une propagation des pertes à l’ensemble de la banque, et les secteurs d’activités essentiels pour l’économie réelle peuvent être maintenus plus facilement lors d’une procédure de restructuration.

Amusant qu’on ait fort peu entendu parler en France – il est sorti fin septembre 2012…

Bon, je n’achète pas tout, évidemment (en particulier le sujet sur les agences de notation, bouc-émissaire facile), mais ça va franchement dans le bon sens. Je signale aussi que, pour la plupart, un conservateur non inféodé aux banques pourrait signer…

Alors, le changement, ce sera pour 2013, mais en Allemagne ?

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