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Le 19 février, 7 français dont 4 enfants ont été enlevés au nord du Cameroun alors qu’ils y faisaient du tourisme. Le véhicule à bord duquel ils se déplaçaient a été intercepté vers 07 h 00 du matin par 8 hommes armés de kalachnikovs. Le groupe a ensuite traversé la frontière pour rejoindre le Nigeria voisin. Deux organisations terroristes islamistes sont soupçonnées de cet enlèvement :

Par Alain Rodier  – CF2R – 20/02/2013

Boko Haram (Jama’atu Ahlu Sunna Lidda’awati Wal Jihad : « L’éducation occidentale est un péché ») dirigée par Abubakar Shekau, Khalid al-Barnawi et Abubakar Adam Kambar est

une secte islamiste radicale qui se livre à une guerre civile au nord-est du Nigéria depuis 2010, assassinant les représentants de l’Etat et les chrétiens. Le nombre des victimes se compte par centaines.

Même les bureaux de l’ONU d’Abuja ont été l’objet d’un attentat à la bombe le 25 août 2011 faisant 23 morts et 81 blessés.

Boko Haram est apparue dans des écoles religieuses en 2002. Son leader, Mohamed Yusuf, qui souhaitait l’établissement d’un Etat islamique sur l’ensemble du Nigeria[1] a été éliminé en 2009 par la police lors d’opérations de répression qui ont fait quelques 700 morts.

Une grande partie des adeptes de la secte est alors passée dans la clandestinité, en particulier en rejoignant les pays voisins : Cameroun, Tchad et Niger. C’est là qu’ils ont entamé des contacts avec Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et les Shebab somaliens.

Des courriers récupérés dans le repaire de Ben Laden, à Abbottabad, après la mort de ce dernier, le 2 mai 2011, ont prouvé que des contacts existaient entre les chefs de Boko Haram et le leader d’Al-Qaida. Cela explique l’évolution de la stratégie de Boko Haram qui, d’un combat nationaliste, est passé à l’internationalisme en adoptant l’idée de l’établissement d’un califat mondial. Toutefois, l’islam pratiqué par les fidèles nigérians est mâtiné de culture africaine : pratique de la magie, port de gris-gris, etc.

Une fois réorganisés, les activistes de Boko Haram sont revenus au pays afin de passer à l’offensive contre les autorités nigérianes, en se livrant à une guerre asymétrique. Fait officialisant l’internationalisation du mouvement, une centaine d’activistes a rejoint Gao, au Mali, début janvier 2013, pour combattre aux côtés du MUJAO. Ce n’est qu’ « un prêté pour un rendu » car nombre de volontaires de Boko Haram ont subi dans les années passées une formation dans les camps d’AQMI implantés en zone sahélienne.

Ansaru (Jama’atu Ansaril Muslimina fi Biladis Sudan, « L’avant-garde pour la protection des musulmans en Afrique noire ») dirigé par Abou Usmatul al-Ansari, serait un groupe dissident de Boko Haram créé en 2011-2012. Ses leaders ne partageraient pas les idées extrémistes de Boko Haram. En effet, le groupe déclare ne pas souhaiter tuer des « non musulmans » innocents ainsi que des représentants de l’Etat, sauf en cas de « légitime défense ». Par contre,

la prise d’otages leur est devenue habituelle.

Ainsi, c’est Ansaru qui a revendiqué l’enlèvement de l’ingénieur français Francis Collomp, en décembre 2012, puis de 7 Occidentaux (1 Britannique, 1 Grec, 1 Italien et 4 Libanais) de la société libanaise SETRACO, dans la nuit du 16 au 17 février 2013. Déjà, un Britannique et un Italien avaient été enlevés en 2011 et un Allemand en 2012. Ils ont tous les trois été assassinés par leurs ravisseurs.

L’internationalisation des opérations des mouvements islamiques nigérians est très inquiétante. Suivant les enseignements d’Al-Qaida, et qu’en tant qu’allié d’AQMI et des Shebabs somaliens, Boko Haram et Ansaru peuvent très bien étendre leurs actions à l’ensemble de l’Afrique noire. En effet, les « peaux banches » – ainsi que sont surnommées les populations arabes et berbères – ne parviennent pas à rencontrer l’adhésion des peuples noirs qui se méfient d’elles car ils les considèrent comme leurs anciens ennemis (le souvenir de l’esclavagisme arabe est encore vivace dans les traditions subsahariennes). Par contre, les islamistes nigérians peuvent plus facilement convaincre les musulmans noirs, d’autant que leur foi islamique mélangée à des fétichismes rencontre chez eux un très bon accueil.

En ce qui concerne la France, il convient que les responsables politiques, économiques et que les populations ne se voilent plus la face :

la France est en guerre, même s’il n’y a pas eu de déclaration officielle, même si ce n’est pas contre un Etat souverain.

Elle n’est pas en guerre qu’au Mali mais contre la « nébuleuse islamique » que le gouvernement appelle pudiquement « les terroristes[2] ». Nos compatriotes doivent se convaincre que la guerre n’est pas qu’un jeu vidéo qui passe au journal de 20 h 00.

Tous les Français, où qu’ils se trouvent, constituent une cible potentielle pour les fanatiques islamiques qui nous considèrent comme des mécréants, des agresseurs et des « croisés » (Afghanistan, Liban, Mali).

Sans sombrer dans la paranoïa, il convient que chacun prenne un minimum de précautions, en particulier les deux millions d’expatriés. Des zones sont connues pour être plus particulièrement à risque[3].

Il ne faut pas attendre des autorités françaises qu’elles pallient à des gestes d’inconséquence de certains qui s’y aventurent.

Bien sûr, il reste les actions imprévisibles quasi imparables : des attentats dirigés contre des intérêts français dans des pays considérés comme calmes, des opérations menées sur le territoire national par des loups solitaires non repérés par la DCRI, etc. Ces derniers peuvent se réveiller motivés par la propagande islamique véhiculée sur le net.

Aussi, un autre facteur doit entrer en compte pour gagner la guerre à laquelle la France a été contrainte : la résilience du peuple.

L’attitude de nos amis britanniques durant les bombardements allemands de 1940-1941 devrait nous inspirer.


  • [1] 12 Etats à majorité musulmane, sur les 36 que compte le Nigéria, sont officiellement soumis à la loi islamique.
  • [2] Bien évidemment, ce n’est pas une « guerre des civilisations » opposant chrétienté et islam. Cela dit, il est du devoir des responsables musulmans de prendre fermement position contre les égarés extrémistes. C’est ce que font déjà certains Etats comme l’Algérie. Embourbés dans des problèmes internes résultant directement des « révolutions arabes », le Maroc et la Jordanie sont aujourd’hui obligés de composer.
  • [3] Il est d’ailleurs surprenant que la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site du ministère des Affaires étrangères n’ait pas mentionné, avant le dernier enlèvement, le nord du Cameroun comme une zone particulièrement à risque (d’ailleurs comme le sud-ouest du Tchad). La proximité du Nigeria où se déroule une guerre civile anti-chrétiens était pourtant visible sur la carte

CF2R

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