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Le groupe Total est presque parvenu à interrompre la baisse de sa production de brut en 2012, grâce au maintien d’un niveau d’investissements record, selon le rapport présenté ce matin par le pétrolier français.

Nettement plus faible qu’au cours des années précédentes, le recul léger de la production d’or noir de Total n’en prolonge pas moins un déclin qui dure désormais depuis huit ans. Ce recul paraît confirmer une tendance que connaissent également les principaux concurrents de Total depuis le milieu des années 2000.

Les “majors” font toutes face à une diminution de leurs extractions de brut, amorcée entre 1999 pour Chevron et 2006 pour Exxon(*), malgré l’envolée des cours du brut et de leurs chiffres d’affaires depuis 2007.

Exxon, Chevron, BP, Shell et donc désormais Total : toutes les majors historiques de l’or noir ont vu leurs extractions décroître en 2012.

Les extractions de pétrole de Total se sont établies à 1,22 million de barils par jour (Mb/j) en 2012, en recul de 0,5 % par rapport à 2011. Le recul est de 19,2 % par rapport à 2007 (date du début de l’envolée des cours du brut, du chiffre d’affaires et des investissements de Total) et de 28 % par rapport à 2004, date du début de la baisse de la production du groupe.

Pour 2013, le pdg de Total, Christophe de Margerie, annonce un retour à la croissance de la production : il projette une augmentation de 2 à 3 % des extractions pour l’ensemble du pétrole et du gaz, rapporte l’AFP.

La production cumulée de pétrole et de gaz naturel de Total a baissé de 2 % entre 2011 et 2012, indique le groupe. Cette évolution est pour + 4,5 % liée “aux démarrages et à la croissance des nouveaux projets”, et pour – 4 % “au déclin naturel des productions” ; le communiqué de Total ne départage pas le pétrole du gaz lorsqu’il fournit ce taux de déclin de la production existante. Le reste a trait à des facteurs conjoncturels : accident de la plateforme gazière d’Elgin en mer du Nord et inondations au Nigéria, principalement.

Les investissements nets de Total ont à nouveau progressé fortement en 2012, en hausse de 7 % par rapport à l’année précédente. Total a investi 17,1 milliards d’euros en 2012, consacrés à plus de 80 % aux activités de production et d’exploration. 2011 était déjà une année record, avec une hausse de pas moins de 72 % des dépenses consacrées à la production et à l’exploration par rapport à 2010.

En surface, les affaires sont restées excellentes pour Total en 2012, grâce au maintien de cours du baril historiquement élevés. Chiffre d’affaires (+ 8 %, la barre des 200 milliards d’euros est franchie !), résultat net (13,4 milliards d’euros, + 10 %), dividendes proposés par le conseil d’administration (2,34 euros par action, + 3 %) : tout cela semble manifester une forme éclatante. Les ventes de Total atteignent désormais près des deux-tiers des recettes du budget de l’Etat français…

En profondeur, au fond des puits de pétrole, le recul récurrent de la production de pétrole menace à terme de saper la première entreprise de France.

Le nombre de puits de pétrole exploités à part entière par Total a été accru de 40 % entre 2007 et 2011, essentiellement à travers des acquisitions. L’ensemble des puits dans lesquels la firme possède un quelconque intérêt a été multiplié par 2,5, tandis que les dépenses consacrées à la production et à l’exploration étaient multipliées par… 2,5, de 12 à 30 milliards de dollars !

20 % de la production d’or noir du groupe pétrolier français s’est pourtant volatilisée entre-temps, en 4 ans seulement.

Quand vous avez de plus en plus d’arbres et que, malgré cela, vos récoltes ne cessent de décroître, c’est d’ordinaire le signe que la terre n’est plus aussi généreuse qu’avant.

Le verger du groupe Total est mondial.

Entre 2011 et 2012, Total a pu accroître la production de ses puits de pétrole africains, ainsi que de ceux, beaucoup moins importants, situés au sein de la Communauté des Etats indépendants (CEI) de l’ex-Union soviétique.

En mer du Nord et sur l’ensemble du continent américain en revanche, les sources d’extraction du groupe ont connu de forts reculs. En Amérique du Nord, le développement des sables bitumeux du Canada n’a pas compensé ce qui apparaît comme un déclin des plateformes du golfe du Mexique.

Sur chacun des cinq continents, le pétrolier français est implanté dans de nombreux pays qui s’apprêtent à connaître ou qui connaissent déjà un déclin structurel, selon le dernier rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie.

Total ne fournit pas pour l’heure le détail de sa production pays par pays pour 2012. Mais puisque le groupe a presque réussi à stabiliser le déclin l’an dernier, il est utile de rappeler qu’entre 2007 et 2011, la production pétrolière de Total a décru dans les pays suivants (par continent, puis par ordre croissant d’importance) :

Cameroun (- 85 %), Algérie (- 70 %), Gabon (- 29,5 %…), Libye (- 77 %, un cas certes particulier), Angola (- 36 %) ; Trinidad & Tobago (- 55 %), Venezuela (- 45 %) ; Indonésie (- 10 %) ; France (- 17 %, ok ça ne pèse pas lourd, sauf peut-être dans le débat sur l’exploitation des hydrocarbures de schiste), Grande-Bretagne (- 43 %), Norvège (- 18,5 %).

Baisse de la production globale en dépit d’efforts d’investissements sans cesse plus gigantesques… Les symptômes de la maladie qui semble affecter le groupe Total apparaissent également chez ses principaux concurrents, à commencer par le premier d’entre eux, Exxon.

Lorsque les mêmes effets se reproduisent, n’est-ce pas le signe qu’ils partagent une même cause ?

La production globale de gaz naturel de Total a diminué de 4 % entre 2011 et 2012, après plusieurs années d’importants efforts de développement. Elle ne représente qu’environ un sixième de la valeur marchande de la production de brut du groupe Total.

Le gaz naturel n’occupe pour l’heure qu’une place subsidiaire dans la problématique d’un vraisemblable déclin de l’énergie abondante et pas chère indispensable aux transports, à l’agriculture, aux machines industrielles, à la chimie (etc.), tels qu’ils existent aujourd’hui.

Note :

(*) Les records de production :
Chevron 2,049 Mb/j (1999)
Shell 2,379 Mb/j (2003)
Total 1,695 Mb/j (2004)
BP 2,562 Mb/j (2005)
Exxon 2,681 Mb/j (2006)

OIL MAN (Chronique du début de la fin du pétrole)

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