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Pendant plus de six mois, Artur Baptista da Silva, 61 ans, est devenu l’un des économistes les plus consultés au Portugal, l’une des rares voix qui s’élevaient contre la politique d’austérité mise en place dans le pays. Avec ses costumes sobres, ses lunettes discrètes et son front dégarni, il avait le physique de l’emploi.

Le Portugal a été conquis, fasciné par cet “économiste” qui enchaînait émissions de radio et débats télévisés pour dénoncer les méfaits de la politique d’austérité menée par le gouvernement. Une position un rien populiste qui explique peut-être son succès.

Mais, en décembre, coup de théâtre : cet expert financier des Nations unies, ancien conseiller de la Banque mondiale et professeur aux États-Unis était en réalité un imposteur, un escroc qui venait de passer un an en prison.


Pour tromper les médias, il lui a suffi de montrer sa carte de visite, à de nombreuses reprises. Un logotype de l’ONU, en haut à gauche, son nom écrit en une police à volutes, et le tour était joué. Le quotidien britannique The Independent raconte comment, en seulement quelques mois, cet homme est devenu une référence économique au Portugal.
Tout a commencé en avril 2012, à une réception de l’organisation la plus philanthropique de Lisbonne, l’Académie de Bacalhau. Ses cartes de visite dans la poche, il a disserté sur son œuvre, une somme intitulée Croissance, inégalité, pauvreté. Là encore, il s’agit d’une usurpation d’identité, puisque cette étude a en réalité été “empruntée” à un employé de la Banque mondiale sur Internet.
A cette époque, il se fait passer pour un professeur d’économie au Milton College, aux États-Unis, et pour un chercheur des Nations unies se concentrant sur les effets de la récession dans les pays d’Europe du Sud. Un CV impressionnant qui le fait entrer dans les médias portugais.
Troll
A la mi-décembre, le quotidien Expresso publie une interview en double page, accompagnée d’une photographie de l’homme, en costume sombre, yeux tournés vers l’horizon, comme le décrit narquoisement El Pais. Puis, l’agence d’information Reuters reprend ses déclarations dans une dépêche, le 15 décembre, elle-même reprise par le Chicago Tribune. S’ensuit une interview à la radio TSF, et surtout un passage sur le plateau de l’émission “Expresso da Meia-Noite” sur la chaîne du câble SIC Noticias.
C’est en décembre que la supercherie est mise au jour. Le directeur d’Expresso, mortifié, présente ses excuses à ses lecteurs pour cet “échec impardonnable après trente-deux ans de journalisme”. The Independent raconte qu’un de ses anciens camarades d’école devenu avocat, et qui avait croisé M. Baptista da Silva lorsque ce dernier était derrière les barreaux, avait été “effaré” de voir son ancien condisciple à la télévision “parvenir à mettre ainsi son passé derrière lui”.
De son côté, la chaîne de télévision TVI 24 a expliqué qu’un seul coup de fil aux Nations unies avait permis de démasquer l’imposteur. Sur la Toile, l’histoire a évidemment séduit les internautes, qui en ont fait un “mème”, comme en témoigne la page Facebook consacrée au faux économiste. Un hommage à son activité de troll de l’économie portugaise.
Le Monde

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