De passage à Paris, l’Américain Reza Aslan, spécialiste des religions, analyse la place de la communauté musulmane en France et aux États-Unis.
Les populations musulmanes sont-elles mieux intégrées aux États-Unis qu’en France ?
C’est incomparable. L’Amérique s’est bâtie sur l’immigration. Notre conception de l’identité nationale est plus malléable que la vôtre. Aux Etats-Unis, les minorités sont encouragées à cultiver leurs héritages culturels. Ce n’est pas un obstacle au vivre ensemble.
La France a connu une vague massive d’immigrants après les deux guerres mondiales. Ces personnes n’ont pas eu automatiquement accès à la nationalité française. La plupart du temps, elles ne souhaitaient pas spécialement s’intégrer. Mais leurs enfants, eux, ont grandi en France, et sont toujours considérés comme des étrangers. Outre-Atlantique, il existe des musulmans depuis le temps de l’esclavage. Le dernier mouvement migratoire date des années 60-70 et se constitue de personnes riches et cultivées. La communauté musulmane est l’une des minorités les mieux intégrées d’Amérique.
En quoi la France rend-elle, selon vous, cette intégration plus difficile ?
Je vous donne mon avis en tant qu’étranger, je ne prétends pas représenter les musulmans du monde : la France s’interroge toujours sur son identité. Que signifie être français aujourd’hui ? Doit-on rejeter l’identité culturelle de son pays d’origine, de sa famille, pour devenir français ? Votre société cherche encore des réponses à ces questions.
Cette crise identitaire se nourrit des crises économique et politique qui traversent toute l’Europe. Le phénomène s’amplifie. Le modèle européen n’attire pas. Certains individus se construisent en opposition à lui grâce à la religion. Le 11 septembre a fait émerger l’islamophobie en Europe, pas aux USA. Une peur alimentée par la radicalisation de certains musulmans. Mais tout n’est pas perdu. L’élection de François Hollande est la preuve que les Français ne tombent pas tous dans les filets des politiciens prompts à attiser la haine entre les peuples. J’explique cette évolution par la nouvelle génération émergente : des jeunes qui vivent avec l’islam et le comprennent mieux que leurs ainés. […]
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