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«Moi aussi, je peux kiffer quelqu’un. Mais avec les plans du daron, c’est cuit d’avance. » Réécrire « l’Avare », la pièce de Molière, façon wesh wesh, c’est-à-dire dans le langage des banlieues, Jean Eyoum l’a fait. Oubliée l’écriture tout en raffinement du XVIIe siècle, le jeune de 21 ans, originaire de Villeneuve-Saint-Georges, a choisi la langue fleurie et imagée de sa cité.
« J’ai fait ça pour m’amuser, confie l’étudiant en commerce extérieur. J’avais 17 ans, c’était les vacances de Noël, je m’ennuyais. » En une semaine, cette œuvre qui moque la vie d’un bourgeois radin est mangée et digérée à la sauce cité. « Père » devient « daron » et les poétiques « je t’aime » se transforment en un expressif « je te kiffe ».
Une volonté peut-être de rendre accessible le vieux français à ses potes du quartier? « Pas du tout, sourit Jean. Mes amis ne lisent pas. Après, si l’Education nationale veut que mon livre soit au programme de seconde, comme l’a suggéré un de mes anciens profs, je serai flatté. »
Un joli pied de nez à la littérature française pour ce jeune Camerounais, fils d’enseignants, débarqué au pays de Molière à l’âge de 7 ans. Ce touche-à-tout est un passionné de Molière. « J’ai lu Tartuffe mais aussi les Femmes savantes, mais l’Avare est mon préféré. Une partie de l’histoire et du caractère du personnage principal, comme l’égoïsme et le sexisme, sont toujours d’actualité. » Si le jeune homme suit scrupuleusement le rythme de la pièce, il n’hésite pas à prendre quelques largesses avec l’intrigue. « C’est ma touche personnelle. Et puis, parfois, j’ai lutté pour trouver une correspondance avec le langage des cités. »
Prochain objectif pour Jean qui a attendu quatre ans pour dénicher un éditeur, trouver un metteur en scène pour porter son livre au théâtre.
Le Parisien

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