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Plus de 200 000 étrangers en situation irrégulière bénéficient de l’aide médicale de l’État. Un système dont le coût (600 millions d’euros) est encore alourdi par les fraudes.
C’est une “erreur” comme on en découvre souvent quand on s’intéresse à la Sécurité sociale. Elle concerne l’aide médicale d’État (AME) mise en place pour soigner les immigrés clandestins résidant sur le territoire français. En vertu d’une circulaire de la CPAM, les bénéficiaires de l’AME pouvaient exiger les médicaments de marque au lieu des génériques proposés par les pharmaciens, sans faire aucune avance de frais. Les sans-papiers étaient donc mieux traités que les assurés français ou étrangers en situation régulière, qui ne bénéficient du tiers payant que sur les médicaments génériques.
Cette anomalie, finalement corrigée par la CPAM, est symbolique d’un système totalement dérogatoire au droit commun : l’aide médicale de l’État, créée par Lionel Jospin et Martine Aubry en 1999.

Pas de carte Vitale, pas de médecin traitant, pas de ticket modérateur, pas d’avance de frais pour les soins médicaux et dentaires, pas de forfait journalier à l’hôpital, pas de participation forfaitaire sur les médicaments ni de franchise médicale sur les transports sanitaires… L’État dispense les clandestins des contraintes, toujours plus nombreuses, qu’il fait peser sur les autres patients.

La droite n’en conteste pas le principe. L’AME répond à des considérations « éthiques et sanitaires », écrivait Claude Goasguen (UMP) dans un rapport publié l’an dernier. (…) Beaucoup s’alarment en revanche des abus liés à l’AME, favorisés par la générosité d’un dispositif mal contrôlé – d’autant plus que le PS vient d’abroger les quelques mesures votées pour limiter ces dérives, notamment un droit d’entrée de 30 euros. Le candidat Hollande l’avait promis aux associations d’aide aux sans-papiers.

Le nombre d’étrangers bénéficiant de l’aide médicale de l’État a triplé en douze ans : 73 000 en 2000, environ 220 000 aujourd’hui. La moitié vit à Paris et en Seine-Saint-Denis. Les crédits consacrés à l’AME par l’État ont augmenté plus vite encore que le nombre de ses bénéficiaires : 75 millions d’euros en 2000, 588 millions en 2012.

« C’est un effort considérable » soulignait Roselyne Bachelot l’an dernier – et pourtant insuffisant ! Votés chaque année par le Parlement, ces crédits sont régulièrement sous-évalués. (…) Les crédits de cette année seront encore insuffisants. L’inspection générale des Affaires sociales (Igas) avait estimé le coût de l’AME à 640 millions d’euros en 2011 : 2 900 euros en moyenne par immigré clandestin. (…)
L’Igas et l’inspection générale des Finances signalent d’autres abus dans un rapport de 2010 : « À Paris, 22 bénéficiaires de l’AME ont eu des facturations d’actes au titre de l’assistance médicale à la procréation. Le total des dépenses enregistrées pour 21 d’entre elles s’élevait en 2009 à plus de 99 000 euros. » Deux des bénéficiaires « avaient dépassé l’âge de 43 ans au moment de la réalisation de l’acte » alors que la Sécurité sociale ne rembourse pas ces actes au-delà de 42 ans.
En octobre 2011, le gouvernement Fillon avait donc pris un décret pour exclure la procréation médicalement assistée et les cures thermales de l’aide médicale de l’État. Ce texte soumettait aussi la prise en charge des soins hospitaliers coûteux (plus de 15 000 euros) à l’agrément préalable de l’Assurance maladie. (…) Mais la gauche a supprimé l’agrément préalable en même temps que le droit d’accès de 30 euros. « Irresponsable ! », s’exclame Dominique Tian, qui dénonce les injustices liées à ce système : « Un travailleur déclaré qui vit au niveau du seuil de pauvreté (950 euros de revenu mensuel) paie, directement ou indirectement, plus de 3 500 euros par an de charges, CSG et cotisations de mutuelle pour bénéficier d’une couverture maladie équivalente à celle d’un étranger en situation irrégulière pris en charge à 100 % gratuitement par l’AME, explique-t-il. Un système inégalitaire et absurde qui incite évidemment à la fraude… »
C’est un chiffre que l’on trouve en cherchant bien dans le dernier “Rapport annuel de performance” des services publics :

l’an dernier, les contrôles effectués par l’Assurance maladie sur 7 % (seulement) des bénéficiaires de l’AME ont révélé que 51 % d’entre eux avaient fait de fausses déclarations de ressources.

Jusqu’en 2010, la fraude était d’autant plus facile que l’attestation AME n’était qu’un papier aisément falsifiable. Depuis deux ans, ce document est progressivement remplacé par une carte avec photo, dont le coût de fabrication avoisine 30 euros (d’où le montant du droit d’accès fixé par la droite). La diffusion de cette carte n’a pas mis fin aux fraudes, car les pièces fournies à l’appui de la demande sont parfois douteuses. (…) Certains titulaires n’hésitent pas à prêter leur attestation à des proches pour qu’ils bénéficient eux aussi de la gratuité des soins. « Une patiente, bénéficiaire de l’AME, vient me demander de lui prescrire un examen en me disant qu’elle craint d’avoir le sida, raconte un médecin du Val-d’Oise. Un laboratoire procède au test : positif. Quand je l’en informe, elle m’avoue qu’elle avait agi pour le compte d’une amie qui, munie de mon ordonnance, avait fait l’examen à sa place. Résultat : j’avais involontairement violé le secret médical et j’ai dû prescrire à la première patiente un autre test pour m’assurer qu’elle n’était pas elle-même séropositive ! » Deux actes au lieu d’un, pris en charge par l’État.
« Rien n’est plus facile à falsifier qu’une ordonnance, ajoute un pharmacien parisien. On voit souvent des prescriptions contradictoires, avec des produits liés à des pathologies très différentes : un antiinflammatoire avec un anti-épileptique, par exemple ». À la fraude s’ajoute alors un soupçon de trafic.
Cette fois, c’est un médecin généraliste du Val-de-Marne qui raconte l’anecdote : « Il y a quelques mois, j’ai reçu dans mon cabinet une patiente, d’origine africaine, qui m’a soumis une liste d’une cinquantaine de médicaments et de pommades, la plupart contenant de la cortisone. J’ai refusé de les lui prescrire, elle est partie. Renseignements pris, cette patiente – qui bénéficiait de l’AME – avait fait le tour de dizaines de confrères en quelques mois ! Les Africaines, explique-t-il, utilisent des crèmes à la cortisone pour s’éclaircir la peau. C’est très dangereux, mais le marché est florissant… »
Autre trafic rémunérateur, la revente de produits de substitution à l’héroïne, comme le Subutex, assimilé depuis cette année seulement à un produit stupéfiant. En 2007, la police avait démantelé un important trafic à Paris : des médecins indélicats remplissaient des ordonnances aux noms de malades bénéficiant de l’AME ou de la couverture maladie universelle, dont les organisateurs du trafic avaient dérobé les coordonnées sociales. Des pharmaciens complaisants les approvisionnaient gratuitement et se faisaient rembourser par la Sécurité sociale. Une officine aurait ainsi écoulé 12 000 boîtes de Subutex en quelques mois ! Estimation du préjudice : entre 500 000 et un million d’euros. Le trafic avait des ramifications internationales.
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